EXOBIOLOGIE

Chimie prébiotique : le passage du non-vivant au vivant

Les protéines (à la base de la réplication), l’ADN (acide désoxyribonucléique, porteur de l’information génétique) et les membranes cellulaires (permettant la compartimentation cellulaire) sont des entités que l’on retrouve chez tous les êtres vivants. Celles-ci sont en fait constituées d’un enchaînement de molécules simples : acides aminés pour les protéines ; assemblage de sucres et bases azotées avec du phosphore pour l’ADN ; lipides (ou acides gras) pour les membranes cellulaires. Ces molécules sont formées de carbone, d’hydrogène, d’azote, d’oxygène et de phosphore. Ce dernier, qui ne fait pas partie des éléments chimiques les plus abondants de l’Univers, est pourtant un pilier de la chimie du vivant et fait l’objet de nombreuses recherches. Ces molécules organiques élémentaires que sont les acides aminés, les bases azotées, les sucres, le phosphore et les lipides, parfois nommées « briques de la vie », sont donc indispensables à la vie telle qu’elle est connue sur Terre. L’étude de leurs conditions de formation et de leur origine permet de circonscrire plus précisément l’origine de la vie.

Une hypothèse propose que ces molécules élémentaires ont été apportées par les météorites. Ces roches – fragments d’astéroïdes, de planètes et de comètes venus s’écraser sur Terre – intéressent les scientifiques car elles se sont révélées riches en composés organiques (de 4 à 5 % en masse de carbone). Aucune forme de vie dans ces objets célestes n’a été jusqu’ici décelée, mais ils contiennent de très nombreuses molécules (des milliers de molécules pour les météorites dites carbonées), aussi diverses et variées que celles qu’il est possible de produire en laboratoire (synthèse dite abiotique). En tombant sur Terre, il y a 4,5 milliards d’années, les météorites auraient aussi apporté une partie de l’eau et des éléments sidérophiles (affinité avec le fer) se trouvant à la surface de notre planète.

Une autre hypothèse propose que des molécules organiques élémentaires (de type acides aminés) ont pu se former dans l’atmosphère terrestre de manière abiotique, comme cela a été démontré par l’expérience de Miller-Urey, et aussi dans les sources hydrothermales au fond des océans terrestres (telles que celles qui existent au niveau des dorsales océaniques).

Ces découvertes, qui datent du xx^e siècle, questionnent sur la possibilité de vie ailleurs puisque les molécules organiques élémentaires peuvent être synthétisées abiotiquement dans l’espace. La compréhension des phénomènes ayant potentiellement mené à la vie laisse penser que la Terre a présenté des conditions particulièrement favorables pour l’apparition de la vie, étroitement liées à la formation du système solaire, aux caractéristiques de notre planète et à toutes les contingences attenantes – même la présence de la Lune s’est révélée importante, venant stabiliser l’obliquité de l’axe de rotation terrestre en minimisant ses oscillations.

L’énigme peut-être la plus importante en exobiologie est celle du passage entre chimie du non-vivant et chimie du vivant tel qu’il a pu s’opérer sur la Terre primitive il y a environ 4 milliards d’années. C’est l’objet d’étude de la chimie prébiotique. L’étude des systèmes biologiques a permis de montrer qu’ils ont sélectionné des molécules organiques pour leur fonctionnement, avec des propriétés chimiques spécifiques. La comparaison d’échantillons biologiques provenant du métabolome (ensemble de petites molécules organiques, ou métabolites, issues du métabolisme) avec de la matière abiotique des météorites montre que la diversité moléculaire (nombre de formules chimiques) est beaucoup plus faible dans les échantillons biologiques. Les diagrammes de Van Krevelen, représentant le ratio H/C en fonction du[...]