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EXOTISME

Un thème romantique

On trouve le rêve exotique chez Heinse (Ardinghello,1787), Wackenroder (Herzensergiessungen eines kunstliebenden Klosterbruders, 1797), Coleridge (Kubla Khan, 1798), et chez Thomas Wainewright, qui doit sa renommée surtout au portrait que donna de lui Oscar Wilde dans Intentions (« Pen, Pencil and Poison »). Devançant Gautier, Wainewright dépeint avec une voluptueuse fantaisie un monarque oriental. Le goût pour les pays luxurieux et sanglants est commun aux artistes majeurs et mineurs de la période romantique, à Gautier comme à Pétrus Borel, à Berlioz (par exemple, l'orgie des brigands dans Harold en Italie, 1834) comme à Delacroix, et venait en partie de Byron, qui avait placé dans une île grecque l'idylle entre un homme usé par la civilisation et une innocente fille de la nature (épisode de Haidée dans Don Juan).

Théophile Gautier fut le fondateur de l'esthétisme exotique. Dans Mademoiselle de Maupin (1835-1836) le protagoniste, d'Albert, soupire après le monde païen, monde serein de la Grèce ou monde orgiaque de la Rome impériale et de l'Orient aux belles reines meurtrières (Une nuit de Cléopâtre, 1843). Gautier fut aussi le premier à esquisser la figure de la femme fatale dont les avatars s'échelonnent à travers tous les âges et tous les pays, archétype qui résume en soi toutes les séductions, tous les vices et toutes les voluptés (Études de mains : Impéria), vraie quintessence de l'exotisme, qui devait se développer dans la courtisane de Flaubert (Marie, dans Novembre), dans la reine de Saba et la Ennoia de La Tentation de saint Antoine, qui devait se colorer de masochisme dans Swinburne et se sublimer dans la Joconde de Walter Pater, pour se divulguer enfin avec la Salomé d'Oscar Wilde et les héroïnes de Gabriele D'Annunzio. L'aspiration de Flaubert à un Orient barbare et sauvage, pétri d'or, de marbre, de pourpre, de sang aussi, exhalant à la fois des miasmes putrides et des parfums, se traduit dans les visions troubles de la Tentation et de Salammbô. Baudelaire offre l'exemple d'un exotisme parfait, lui qui aspira toujours à un monde différent et même à s'évader anywhere out of the world, et pourtant n'apprécia nullement le voyage à Madagascar qu'il entreprit dans sa jeunesse. Car il ne donne pas dans l'exotisme, celui qui, attiré par un pays étranger, s'y trouve pleinement satisfait, mais plutôt celui qui idolâtre l'image fantastique d'une terre lointaine. Un passage des Mémoires d'outre-tombe de Chateaubriand peut être à cet égard considéré comme exemplaire : « Il serait trop long de raconter quels voyages je faisais avec ma fleur d'amour ; comment, main en main, nous visitions les ruines célèbres, Venise, Rome, Athènes, Jérusalem, Memphis, Carthage ; comment nous franchissions les mers, comment nous demandions le bonheur aux palmiers d'Otahiti, aux bosquets embaumés d'Amboine et de Tidor ; comment, au sommet de l'Himalaya, nous allions réveiller l'aurore ; comment nous descendions les fleuves saints, dont les vagues épandues entourent les pagodes aux boules d'or ; comment nous dormions aux rives du Gange, tandis que le bengali, perché sur le mât d'une nacelle de bambou, chantait sa barcarolle indienne. » Ce passage a été amplifié par Villiers de l'Isle-Adam dans la dernière partie d'Axel : « Veux-tu venir vers les pays où passent les caravanes, à l'ombre des palmiers de Kachmyr ou de Mysore ? Veux-tu venir au Bengale... ». Également typique d'une phase ultérieure de l'exotisme romantique, le rêve de d'Albert dans Mademoiselle de Maupin : « Tibère, Caligula, Néron, grands Romains de l'empire... moi aussi je voudrais bâtir un pont sur la mer et paver les flots ; j'ai rêvé de brûler des villes pour illuminer mes fêtes ; j'ai souhaité[...]

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Écrit par

  • : ancien professeur à l'université de Rome

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Médias

Palais royal de Turin - crédits :  Bridgeman Images

Palais royal de Turin

<it>Autoportrait</it>, J.-É. Liotard - crédits :  Bridgeman Images

Autoportrait, J.-É. Liotard

Fred Astaire - crédits : Keystone Features/ Hulton Archive/ Getty Images

Fred Astaire

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