EXPANSION ÉCONOMIQUE
La théorie « monétaire » de l'école de Chicago
Les considérations précédentes ont été fondées essentiellement sur un schéma d'équilibre macro-économique entre flux de dépenses et flux de revenus, dont le mécanisme dit du multiplicateur constitue un élément d'interprétation essentiel, suivant les vues de l'école keynésienne.
La théorie du multiplicateur ainsi entendue a cependant fait l'objet de vives critiques, ces dernières années, de la part de certains spécialistes des questions monétaires tels J. Denizet en France et M. Friedman et les auteurs groupés autour de lui sous le nom d'école de Chicago. Toutes ces critiques ont en commun de porter sur le caractère réel attribué à l'analyse qui, d'après ces auteurs, aurait un caractère essentiellement monétaire.
On ne retiendra ici que l'œuvre de Milton Friedman. Elle représente un retour à la théorie dite quantitativiste, mais sous forme d'une analyse de la relation entre quantité de monnaie et revenu national et non, comme dans la théorie quantitative traditionnelle, entre quantité de monnaie et niveau général des prix.
En appelant A les dépenses autonomes dans une version généralisée et schématisée du multiplicateur keynésien, et k la valeur du coefficient multiplicateur (correspondant par exemple à 1/s), et en raisonnant de façon marginale, l'accroissement du revenu peut être déterminé : Δ ϒ = k Δ Α. Si on considère maintenant la théorie quantitativiste de la monnaie, celle-ci postule une identité entre, d'une part, la valeur du revenu national (elle-même identique à la valeur des transactions portant sur le produit final) et, d'autre part, le pouvoir d'achat exprimé. Ce dernier est représenté par la masse monétaire, c'est-à-dire par le produit de la quantité de monnaie en circulation M par la vitesse moyenne de transformation des unités monétaires en revenu V, soit : Y = MV.
En considérant cette relation de façon marginale, c'est-à-dire en raisonnant sur la relation entre l'accroissement de la quantité de monnaie et l'accroissement du revenu constaté en regard, soit Δϒ = VΔΜ, on perçoit la parenté étroite qu'il y a entre cette relation et l'équation du multiplicateur keynésien, Δϒ = kΔΑ.
L'une et l'autre constituent deux façons alternatives d'approcher un même problème. Les théoriciens néo-quantitativistes en sont parfaitement conscients, mais ils soutiennent, à partir d'études économétriques, que l'approche purement monétaire est préférable. Les raisons de ce choix se trouvent, à leurs yeux, dans une plus grande stabilité de la vitesse de transformation de l'argent en revenu, V = Y/M, relativement au coefficient multiplicateur k = Y/A.
Cette stabilité aurait l'avantage de permettre de prévoir avec plus d'exactitude les effets d'une variation de la quantité de monnaie sur le revenu national, relativement à ce que permettrait le même essai de prévision à partir des variations observées dans la dépense autonome et ses composantes en termes d'investissements, dépenses publiques, etc. Nous n'entrerons pas dans la question de savoir laquelle des deux théories se trouve le mieux vérifiée par les études statistiques. Cela pose, entre autres, des problèmes de définitions respectives de A, de M et de V et, en ce qui concerne la théorie néo-quantitativiste, un problème d'élimination préalable du mouvement tendanciel de variation de V.
On se contentera de noter les implications de la théorie de Friedman en ce qui concerne le processus d'expansion. Celui-ci est alors considéré comme ayant des causes purement monétaires.
Cela amène à confronter, en conclusion, les deux théories en tant qu'elles peuvent inspirer des politiques destinées à promouvoir l'expansion et à en contrôler le[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bernard DUCROS : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Autres références
-
CRISES ÉCONOMIQUES
- Écrit par Jean-Charles ASSELAIN , Anne DEMARTINI , Pascal GAUCHON et Patrick VERLEY
- 21 855 mots
- 14 médias
La phase d'expansion qu'a connue l'économie américaine au cours de la décennie de 1990 est apparue à bien des égards exceptionnelle, même si son ampleur doit être relativisée. Dans sa durée, elle reste en effet comparable aux phases d'expansions des années 1960 et 1980. Surtout, les taux de croissance... -
CYCLES ÉCONOMIQUES
- Écrit par Denis CLERC
- 4 011 mots
- 1 média
...fluctuations. Alors que ces dernières désignent de simples irrégularités aléatoires autour d'une tendance, le cycle 'est un parcours qui revient régulièrement : une phase d'accélération (l'expansion), plus ou moins rapide, plus ou moins longue, qui tend à se ralentir, jusqu'à atteindre un apogée (la crise). Puis... -
ÉCONOMIE MONDIALE - 1999 : la fin des turbulences ?
- Écrit par Jacques ADDA
- 3 444 mots
- 1 média
L'économie américaine a poursuivi en 1999 sa croissance sur un rythme rapide, faisant de la phase d'expansion engagée en 1991 la plus longue jamais enregistrée aux États-Unis depuis l'établissement de comptes nationaux. Outre sa durée et son rythme, cette expansion se caractérise par une augmentation... -
ESPAGNE (Le territoire et les hommes) - Le retour à la démocratie
- Écrit par Encyclopædia Universalis , Guy HERMET et Mercedes YUSTA RODRIGO
- 10 723 mots
- 6 médias
...peu le basculement du pays dans la crise mondiale de 1973, et dont la tâche économique primordiale consiste, dès lors, à gérer le freinage brutal de l' expansion industrielle. Le franquisme finissant avait eu le privilège d'apparaître à la fois comme l'artisan de cette expansion, et comme le bénéficiaire... - Afficher les 11 références