EXPÉRIENCE ET EXPÉRIMENTATION, sciences
La naissance de la science moderne, au xviie siècle, est couramment rapportée à l'élaboration d'une méthode, dite expérimentale, qui se traduirait par une prise en compte de l'expérience, par l'observation des phénomènes et le recours à l'expérimentation. La signification de ces trois termes, en particulier celui d'expérience, est fort large.
Observation, expérience, expérimentation
L'observation est un constat des phénomènes, mais elle implique toujours une forme d'activité, aussi peut-on la définir par l'examen des faits, voire leur mesure, ce qui suppose, outre l'appareil sensoriel de l'observateur, des instruments spécialisés.
La même ambivalence se rencontre dans la notion d'expérience, qui allie le fait d'éprouver et l'action d'essayer. Dans son acception la plus large, l'expérience désigne ce qui nous arrive, ce qui s'impose à nous selon les hasards de l'existence. Un scientifique va plus loin, car il recourt délibérément à l'expérience. L'expérimentation consiste à modifier les conditions de la manifestation d'un phénomène qu'on veut étudier. Son emploi rigoureux caractérise la méthode expérimentale. Cette rigueur exige la répétition et la comparaison avec un système témoin n'ayant pas subi d'intervention. On admet que ce recours à l'expérience vaut à titre de question posée à la nature, dont la réponse confirmera ou infirmera une hypothèse explicative. À l'expérimentation est ainsi attribuée une place au sein d'une démarche expérimentale et, selon que l'accent sera mis sur l'initiative théorique qui préside au questionnement de la nature ou sur la soumission de l'esprit qui s'incline devant les faits constatés – les réponses de la nature –, une interprétation rationaliste ou empiriste de la méthode expérimentale prévaudra.
Ces interprétations, comme d'ailleurs l'ordinaire présentation en trois temps de la méthode expérimentale – observation, hypothèse, expérimentation –, reconduisent des choix philosophiques antérieurs et subordonnent la philosophie des sciences à des débats métaphysiques. Il importe, pour cerner cette notion d'expérience, d'examiner son rôle tel que les historiens des sciences le dessinent, et tel qu'il nourrit à partir d'eux les débats épistémologiques contemporains.
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Écrit par
- Jean-Paul THOMAS : philosophe, professeur des Universités
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