EXPERTISE PSYCHIATRIQUE CIVILE ET PÉNALE
Les principales missions de l’expert psychiatre
L’expertise psychiatrique pénale
En matière pénale, l’expertise psychiatrique des auteurs présumés d’une infraction – délit ou crime – porte essentiellement sur le diagnostic d’une éventuelle pathologie mentale, permettant l’évaluation de la responsabilité pénale et de la dangerosité. S’il est admis que le malade mental criminel doit être soigné et non puni, encore faut-il, pour qu’il soit considéré comme irresponsable pénalement, établir un lien direct et certain entre le passage à l’acte et la pathologie, celle-ci devant suffire à expliquer celui-là : on dit alors que la maladie mentale a « aboli le discernement et le contrôle de ses actes » par le sujet (article 122-1 alinéa 1 du nouveau Code pénal). En l’absence de maladie mentale, le criminel est jugé pleinement responsable – y compris en cas de troubles sévères de la personnalité qui, en psychiatrie légale aussi bien que dans les classifications internationales, ne sont pas considérés comme des maladies mentales –, le discernement et le contrôle de ses actes n’étant jugés « ni altérés ni abolis ». Lorsqu’il existe une pathologie mentale, mais que celle-ci ne suffit pas à expliquer la commission des faits reprochés, la responsabilité est partielle ; on dit alors que la pathologie a « altéré (mais non aboli) le discernement et/ou le contrôle de ses actes » par le sujet (article 122-1 alinéa 2 du nouveau Code pénal).
Paradoxalement, alors que l’esprit de la loi est précisément d’atténuer sa responsabilité (et donc la peine prononcée), le malade mental criminel se voit parfois, s’il est jugé partiellement responsable (discernement altéré et non aboli), infliger des peines plus sévères qu’un criminel exempt de pathologie mentale, tant le caractère parfois immotivé du passage à l’acte et l’imprévisibilité de la récidive peuvent inspirer de la frayeur. Lorsqu’un fait divers connaît un retentissement médiatique important, il est courant de voir s’affronter sur le thème de la responsabilité pénale plusieurs collèges d’experts : la limite entre une altération profonde du discernement (qui permet au juge de renvoyer le sujet devant une cour d’assises) et l’abolition du discernement (qui débouche logiquement, après un débat devant la chambre de l’instruction, sur un arrêt de culpabilité et d’irresponsabilité) est parfois ténue, pour ne pas dire arbitraire. Certains procès particulièrement médiatisés – comme le meurtre en avril 2017 de Sarah Halimi, sexagénaire juive tuée par un jeune musulman, celui en juillet 2008 du « petit Valentin » par un délirant mystique, ou encore le double meurtre d’une infirmière et d’une aide-soignante commis en décembre 2004 à l’hôpital psychiatrique de Pau par un jeune homme précédemment hospitalisé à trois reprises, sont autant d’exemples qui ont marqué l’opinion. Alors que, depuis les années 2000, sont souvent mises en avant, parmi les vertus du procès pénal, les effets d’apaisement d’une condamnation sur les victimes et familles de victimes, ce que certains psychiatres dénoncent comme la « psychologisation du droit », il faut cependant admettre que cet argument a singulièrement perdu de sa force depuis la loi du 25 février 2008, dite loi Dati, réformant sensiblement la notion d’irresponsabilité pénale. En effet, alors qu’auparavant l’irresponsabilité pénale débouchait sur un non-lieu, privant la famille de la victime du procès et donc de toute possibilité de compréhension, cette réforme a instauré une audience publique devant la chambre de l’instruction, portant uniquement sur l’appréciation de la responsabilité pénale, avec débat contradictoire : les experts se voient donc soumis au questionnement de tous les acteurs du procès pénal, en la présence des avocats et des familles de victimes, qui, de ce fait, ne sont plus « privées » de procès. Au terme de cette audience,[...]
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Écrit par
- Paul BENSUSSAN : psychiatre, expert agréé par la Cour de cassation
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