EXPLORATIONS
Les grands voyages de découverte et d'exploration sont liés à la conjonction de volontés et de moyens techniques. Il faut les navires, les marins entraînés, les armateurs officiels ou privés, une volonté politique, mais avant tout des motifs assez puissants pour rompre les amarres, quitter la sûreté des quais pour l'inconnu et ses risques.
Les motifs et mobiles sont nombreux, souvent entremêlés, à la fois individuels et collectifs. Pour l'homme toujours se retrouvent le goût de l'aventure, la curiosité, le désir des ruptures et de l'évasion, l'attrait de la gloire et la cupidité. Mais ces pulsions sont mobilisées, orientées et renforcées par les grands mouvements de la psychologie collective, de la mentalité d'un groupe et d'une époque : défense et propagation de la foi, recherche de l'or, des épices, esprit scientifique ou romantique, poussée de l'impérialisme colonial.
Pour chaque siècle, l'un ou l'autre de ces motifs l'emporte et, sans que les autres soient absents, donne une tonalité particulière aux différentes grandes phases des explorations.
Tenter d'analyser les principales motivations implique de rappeler et de rapprocher les permanences et les novations. Du passé, l'histoire jamais ne perd rien entièrement, toute mutation est toujours préparée longuement par de menues transformations, de légères adaptations dont brusquement le poids accumulé ouvre une nouvelle époque.
Les motifs religieux
Dans la société du bas Moyen Âge, surtout dans l'Algarve et en Andalousie, la religion domine toutes les activités, imprègne toutes les mentalités. Les grands voyages de découverte commencent à l'issue de sept siècles d'affrontements entre la chrétienté et l'islam. Croisades et reconquista, conversions et émigrations de la foi, jeu des rivalités sociales et économiques : l'épreuve de force entre la Croix et le Croissant a ponctué la vie ibérique. L'Europe entière, sans doute, a été marquée à la fois par un sentiment de fascination devant certaines réalisations arabes (urbaines notamment) et un sentiment de crainte de l'islam.
Le plus influencé par ces échanges comme par ce mélange de haine et d'admiration est ce butoir extrême occidental de l'expansion musulmane, ce coin qu'elle enfonça le plus profondément en Europe, et où s'affirma pendant des siècles la résistance religieuse ; l'Ibérie, « ce balcon ouvert vers l'infini » (Eugenio d'Ors) ; l'infini mystique comme l'infini des horizons marins.
L'exploration comme acte de foi
Dans la diversité des États, des langues et des mœurs, la religion est le ciment d'une union qui se conçoit avant tout par opposition au non-catholique. Le monde arabo-musulman doit être refoulé : c'est la reconquête de la péninsule attaquée dans ses derniers bastions « arabes », ce sont les expéditions de croisade au Maghreb. Son monopole d'intermédiaire ou d'écran avec l'Orient doit être contourné, pris à revers : c'est la recherche des forces chrétiennes du Prêtre Jean. Les grandes découvertes, les explorations sont d'abord un acte de la foi. Elles seront, pour la majeure partie, la suite (véritable croisade) de la conquête de Ceuta (Nord-Ouest marocain) dès 1415, près d'un siècle avant la prise de Grenade (1492). L'argument référentiel et révérenciel constant est fort tôt fourni par le « Testament » d'Isabelle la Catholique de 1504, dans lequel la reine exige de ses successeurs « de ne pas cesser la conquête de l'Afrique et de lutter pour la foi contre les infidèles » (art. 17) et de « favoriser la sainte inquisition contre l'hérétique ». Sont ainsi mêlées expansion extérieure, croisade, lutte intérieure pour l'unité religieuse.
De ce facteur religieux[...]
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Écrit par
- Jean-Louis MIÈGE : professeur émérite d'histoire à l'université de Provence
Classification
Média
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