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EXPLORATIONS

De l'exploration scientifique à l'exploration impérialiste

À la conquête improbable de l'Orient

L 'expédition d'Égypte est le premier et sans doute le meilleur exemple de la rencontre d'un long courant de pensée, celui de l'« orientalisme islamisant » en France, et d'une conjoncture politico-militaire, de l'union d'une volonté d'action « impérialiste », aux objectifs concrets, et d'une immense curiosité scientifique, en grande partie désintéressée et ouverte sur tous les aspects d'une région encore mal connue.

Bonaparte embarque avec sa flotte et ses troupes pas moins de cent soixante-sept savants de toutes disciplines : des médecins aux aérostiers, des ingénieurs aux astronomes, des botanistes et des minéralogistes, des économistes et des littérateurs, des peintres et des dessinateurs et, bien sûr, des orientalistes, qui vont constituer la Commission des sciences et arts de l'armée d'Orient. EIle travaillera avec enthousiasme, ferveur parfois, de 1798 à 1801. L'expédition donna lieu à des publications individuelles, tel l'ouvrage de Dominique Vivant Denon – qui sera le premier directeur du Louvre –, sur ses découvertes archéologiques (Voyage dans la Haute et Basse-Égypte pendant les campagnes du général Bonaparte, Paris, 1802). Il révélera au monde l'art de l'Égypte, donnera une impulsion décisive à ce style égyptien qui marquera pendant trente ans si fortement la décoration et le mobilier européens que, dès 1807, le poète anglais Robert Southey constatait « tout objet doit être maintenant égyptien » (Letters from England).

La Commission recueillit sur place non seulement des manuscrits, des livres et des informations, mais certains de ses membres allèrent les chercher dans de véritables explorations scientifiques jusque dans la Haute-Égypte. Les résultats de cet immense travail d'investigation et d'interprétation seront publiés sur vingt ans, de 1809 à 1828, dans la Description de l'Égypte, en neuf volumes de textes et quatorze volumes de planches, fondant les bases de toute l'égyptologie et fixant les grandes lignes des découvertes à entreprendre. Elles inspirèrent les explorations ultérieures, comme celle du minéralogiste et archéologue Frédéric Caillaud (1821-1822), dont l'œuvre et les voyages demeurent méconnus et qui, le premier (contre Bruce), démontre la supériorité du Nil Blanc sur le Nil Bleu ; de Joseph Pons d'Arnaud qui, en 1840, dépasse sur le Nil Gondokoro ; d'Antoine Brun-Rollet, qui explore le Bahr el-Ghazal (1856).

L'expédition et la description étaient le « premier banc d'essai d'un nouvel esprit colonial visant non plus seulement une exploitation économique, mais une occidentalisation généralisée du reste du monde » (H. Laurens). Bref, de l'impérialisme. C'est sur ce modèle que travailleront les deux commissions scientifiques liées aux campagnes de Grèce puis d'Algérie.

La commission scientifique de Morée, dirigée par Bory de Saint-Vincent, naturaliste, Abel Blouet, peintre, et A. Dubois, archéologue, contribua, à partir de ses premiers travaux, en 1829-1830, encore que sur un pied plus modeste, à une semblable « redécouverte de la Grèce » qui marqua les années 1830. Sans être comparable à la Description, étayée elle aussi par les publications individuelles de savants, l'édition officielle de l'Expédition scientifique de Morée, ordonnée par le gouvernement français (en trois volumes, Paris, 1831-1838), mériterait de sortir de l'oubli.

La Commission scientifique de l'Algérie, constituée en 1839, montre plus étroitement les liens établis entre la recherche, les découvertes et l'impérialisme. Animée par Edmond Pellissier de Raynaud, excellent connaisseur du monde arabe, qui publia, dès 1836, avec ses [...]

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Amundsen au pôle Sud - crédits : Illustrated London News/ Hulton Archive/ Getty Images

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