EXPLORATIONS
Motifs d'exploration, mobiles d'explorateurs
L'exploration est toujours exaltée nominativement, à travers l'exploit d'un homme en qui elle s'incarne, de Vasco de Gama à Cook, de Bougainville à René Caillié, de Heinrich Barth à Roald Amundsen. L'histoire des grandes découvertes est le triomphe de la biographie.
L'exploration : une aventure personnelle
Les motivations d'une époque, l'état de l'opinion publique, les forces profondes religieuses, économiques, politiques ou militaires qui sous-tendent le voyage, qui l'expliquent, qui en font un élément dans une chaîne continue passent à l'arrière-plan de la légende dorée des grandes explorations, alors que toutes ces données en sont l'essentiel, le plus souvent, mais pas toujours. L'individu, avec sa personnalité, reprend parfois tous ses droits, et alors l'exploration n'est, dans ses mobiles mêmes, qu'assouvissement des désirs de l'explorateur, accomplissement de sa volonté, affirmation de son caractère. Et elle vaut ce qu'ils valent.
Les motivations personnelles courent ainsi tout au long de l'histoire de la découverte du monde, tantôt en constituant une partie de la trame même, tantôt en fournissant les plus belles broderies. Elles percent dès les premiers récits, avec, au premier rang, le goût de l'aventure. L'aventure est à elle seule un puissant moteur d'exploration. Elle possède, d'abord, et entièrement, « les voyageurs errants » décrits par l'abbé Prévost dans son Histoire générale des voyages, qui en remonte la piste jusqu'aux premiers conquistadores de l'Amérique espagnole. « Les voyageurs errants, comme j'aime à pouvoir les nommer, ne s'attachent point à suivre une route et se laissent tantôt guider par la seule curiosité, tantôt par le hasard des événements ; il arrive souvent qu'ils visitent des pays ignorés et des parties de monde connues qui n'avaient jamais été visitées par d'autres voyageurs » (Histoire générale des voyages, t. XI, p. 263).
L'aventure est à la fois désir puissant du départ et attrait de l'inconnu, ou des inconnus : partir moins pour trouver que pour rompre et, chérissant les hasards, s'ébrouer aussi bien dans les bonnes fortunes – dans tous les sens du terme – que dans les périls. Fernão Mendes Pinto, dans sa Pérégrination, racontant ses voyages sur terre et sur mer jusqu'en Chine et au Japon, se flatte d'avoir été treize fois esclave, onze fois naufragé, dix-sept fois vendu aux Indes, en Arabie, en Tartarie et à Sumatra ; et de tant d'aventures et d'avatars, il conclut au désir demeuré de nouveaux départs et de nouveaux émerveillements, sans oublier, encore, en bon Portugais du xvie siècle, de rendre grâce à Dieu.
L'exploration divaguante – dont le flibustier devient l'ambigu héros poussé jusqu'à la caricature – n'a pas été sans apporter beaucoup à la science réelle, d'une part, à l'idéologie des voyages, d'autre part, comme par raccroc, et surtout par l'œuvre seconde, patiente, des fourmis de l'érudition qui engrangent, comparent, trient, additionnent toutes les informations désordonnées rapportées par les cigales de l'aventure.
Le flibustier William Dampier, ami du naturaliste Hans Sloane, avec son New Voyage around the World (Londres, 1699, traduit à Amsterdam en 1701-1705, republié, augmenté et mis à jour en 1712), illustre la relation de l'aventurier et du scientifique, et « annonce l'esprit de connaissance encyclopédique de l'Europe des Lumières ».
Les récits de voyage : mythe et/ou réalité
Ainsi, la littérature de voyage, les récits de vie ne cessent d'être interrogés depuis le Livre des merveilles de Marco Polo et la Pérégrination de Fernão Mendes Pinto,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Louis MIÈGE : professeur émérite d'histoire à l'université de Provence
Classification
Média
Autres références
-
AFRIQUE (Histoire) - De l'entrée dans l'histoire à la période contemporaine
- Écrit par Hubert DESCHAMPS , Jean DEVISSE et Henri MÉDARD
- 9 654 mots
- 6 médias
...l'économie marocaine, affaiblie sous des dynastes évanescents, en satellite de l'économie portugaise. Longeant les côtes vers le sud, ils reprennent des itinéraires que beaucoup d'autres ont jalonnés avant eux, Arabes, Catalans ou même Italiens, sans jamais, cependant, établir de colonies fixes. L'atout... -
AMÉRIQUE (Histoire) - Découverte
- Écrit par Marianne MAHN-LOT
- 4 807 mots
- 6 médias
Voici quelques étapes de la connaissance du littoral. 1499 : Ójeda, servant de pilote à Vespucci, longe la côte du Venezuela. 1500 : Yañez Pinzón va du cap San Roque (40 lat. sud) à Pernambouc (80 sud). À peu près au même moment, le Portugais Cabral, parti de Lisbonne pour l'Inde, est jeté... -
AMÉRIQUE (Histoire) - Amérique espagnole
- Écrit par Jean-Pierre BERTHE
- 21 855 mots
- 13 médias
-
AMUNDSEN ROALD (1872-1928)
- Écrit par Jean-Marcel CHAMPION
- 554 mots
- 2 médias
Explorateur norvégien. Fils d'un petit armateur, Roald Amundsen se destine d'abord à la médecine avant d'être saisi d'une vocation irrésistible pour l'exploration polaire. En 1893, il s'engage comme simple matelot sur un phoquier et, de 1897 à 1899, il participe à l'expédition ...
- Afficher les 117 références