EXPOSITION
Les expositions prennent dans la vie culturelle une place toujours plus importante, au point que des réactions apparaissent pour en déplorer les éventuels excès, tenant soit à la saturation du public concerné, soit, en ce qui concerne les professionnels, à la prépondérance accordée parfois à l'accrochage au détriment des objets exposés.
De telles préoccupations sont toutefois étroitement limitées aux lieux où se concentrent traditionnellement les débats propres aux milieux cultivés, dans les grandes capitales occidentales – européennes et nord-américaines essentiellement –, dont Paris constitue un point particulièrement sensible. Il est important également de replacer le phénomène de l'exposition dans son histoire, ainsi que dans l'ensemble des dimensions qui le définissent – et pas seulement dans la dimension artistique, qui n'en est qu'un cas particulier.
Le terme « exposition », en effet, implique à la fois rassemblement et présentation d'un certain nombre d'objets : ce qui sous-entend que ceux-ci possèdent une valeur, et qu'ils intéressent un public. Or les motifs de cet intérêt peuvent être aussi divers que les valeurs qui s'y trouvent investies. On distinguera ainsi quatre grands types de fonctions assumées par les expositions : une fonction, tout d'abord, qu'on peut appeler symbolique, de glorification religieuse ou politique, liée à la valeur ostentatoire des objets (par exemple, expositions des trésors des églises ou des butins militaires) ; deuxièmement, une fonction commerciale, liée à la valeur marchande (sous la forme, très ancienne également, des foires et, ultérieurement, des expositions universelles ou encore des nombreux salons organisés régulièrement dans les grandes villes) ; troisièmement, une fonction documentaire, liée à la valeur informative ou scientifique (muséums, musées scientifiques et techniques, écomusées, et toutes les expositions documentaires organisées par les divers organismes de diffusion des connaissances) ; enfin, une fonction esthétique, liée à la valeur artistique des œuvres : fonction relativement récente (le dictionnaire ne l'enregistrera qu'à l'extrême fin du xviiie siècle, alors que le sens commercial du terme y apparaît dès le milieu du xvie siècle) , mais qui tend à devenir la signification pour ainsi dire paradigmatique du mot, celle à laquelle on pense spontanément. Il est clair, cependant, que ces différentes fonctions ne s'excluent pas et peuvent s'associer dans une même exposition : le prestige international et la délectation pour un grand rassemblement de chefs-d'œuvre de l'art, la délectation et l'information pour une exposition d'objets archéologiques, etc.
L'exposition et le marché
L' histoire nous apprend d'ailleurs que la fonction esthétique se dégage progressivement d'une fonction commerciale autrefois prépondérante. Ainsi, dans le cas de la peinture, la nécessité d'exposer n'est apparue qu'à partir du moment où le système traditionnel de la vente au public, dans l' atelier-échoppe ouvert sur la rue, fut sinon interdit, du moins déconseillé aux peintres qui voulaient se dégager de leur affiliation à l'artisanat et conquérir un statut « libéral », comme ils s'y efforcèrent en France, dans le cadre du mouvement académique, dès le milieu du xviiie siècle, à l'imitation de leurs prédécesseurs italiens. Ainsi, le Discours prononcé en 1648 par Martin de Charmois devant la famille royale, pour plaider la cause de la toute nouvelle Académie des peintres et sculpteurs, jette déjà le soupçon sur les pratiques commerciales traditionnelles, puisqu'il allait jusqu'à demander au roi de « faire très expresses inhibitions et défenses auxdits maîtres soi-disant peintres et sculpteurs de prendre à l'avenir cette qualité[...]
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Écrit par
- Nathalie HEINICH : sociologue, directeur de recherche au C.N.R.S.
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