Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

EXPOSITION

Le public des expositions

La place croissante prise par le phénomène de l'exposition dans la vie culturelle va bien entendu de pair avec l'augmentation de la fréquentation des musées. On en a l'exemple à New York, où l'on doit désormais réserver sa place pour visiter une exposition du MoMA (Museum of Modern Art) comme on le fait pour voir une pièce de théâtre. On en vit en France la première manifestation spectaculaire avec l'exposition Toutânkhamon au Petit Palais, qui en 1967 reçut près d'un million et demi de visites, tandis que d'autres records, avoisinant cinq cent mille entrées, furent atteints en 1972 avec l'exposition Van Gogh à l'Orangerie, en 1974 avec Le Centenaire de l'impressionnisme au Grand Palais, en 1979 avec l'exposition Dalí au Centre Georges-Pompidou, en 1986 avec Vienne, naissance d'un siècle, toujours à Beaubourg – où les longues files d'attente, causées par la nécessité d'un numerus clausus dans les salles pour la sécurité des œuvres, donnèrent aux Parisiens une illustration concrète de ce que pouvait signifier un événement culturel international (le même thème ayant été traité à Venise, à Hambourg, à Vienne et New York).

Cet accroissement de la consommation apparaît plus spectaculaire encore si l'on tient compte de la multiplication des produits dérivés, tels que reproductions, affiches, catalogues, « petits journaux », qui sont devenus des sources de profits non négligeables, alors que les musées se dotaient de boutiques rénovées et attractives, voire de véritables librairies. Cette consommation accrue provient en partie, certes, de ce qu'on appelle un effet d'offre, c'est-à-dire de l'augmentation du nombre d'occasions de visites. Mais elle résulte aussi de cet important phénomène de société qu'est l'élévation du niveau d'études pour les générations de l'immédiat après-guerre, et la transformation corrélative des pratiques de loisirs pour certaines catégories de la population.

C’est dire que la visite d’expositions demeure une pratique culturelle relativement sélective : 28 p. 100 des Français déclaraient avoir visité au moins une exposition dans l’année en 2008, tandis que 30 p. 100 assuraient avoir fréquenté un musée. Et si leur proportion augmente régulièrement puisqu’ils n’étaient que 19 p. 100 en 1973, date de la première enquête, il reste que près de la moitié d’entre eux avaient au moins le baccalauréat, et plus de la moitié appartenaient à la catégorie des cadres supérieurs et professions libérales. Cela fait encore de la visite d’expositions une pratique socialement sélective, moins certes que le concert de musique classique, l’opéra ou même le théâtre.

Il ne faut donc pas confondre augmentation de la fréquentation des expositions et démocratisation du public : cette dernière est certes une réalité, mais sans doute moins importante que ne le suggèrent les files d'attente à l'entrée, reflets d'une intensification de la pratique par les mêmes catégories de visiteurs (ainsi que de l'expansion du tourisme) beaucoup plus que d'une ouverture à d'autres milieux. Autrement dit, à chaque nouvelle visite ne correspond pas – loin de là – un nouveau visiteur.

Les expositions n'ont d'ailleurs jamais constitué un loisir « populaire », au sens où il aurait la faveur des ouvriers ou des petits employés : même lorsque Flaubert, dans son Dictionnaire des idées reçues, en faisait un « sujet de délire du xixe siècle », ou lorsque les esthètes stigmatisaient la « foule » qui se pressait aux Salons (on parla ainsi de 500 000 entrées en 1878, avec 50 000 visiteurs certains dimanches), il est probable qu'ils visaient là un public issu des fractions peu cultivées de la bourgeoisie. Il convient en effet de distinguer à[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Médias

La Raie, J.-B. S. Chardin - crédits : G. Dagli orti/ De Agostini/ Getty Images

La Raie, J.-B. S. Chardin

 Centre Georges-Pompidou, Paris - crédits : Votava/ IMAGNO/ AKG-images

 Centre Georges-Pompidou, Paris

Autres références

  • 1848 ET L'ART (expositions)

    • Écrit par
    • 1 189 mots

    Deux expositions qui se sont déroulées respectivement à Paris du 24 février au 31 mai 1998 au musée d'Orsay, 1848, La République et l'art vivant, et du 4 février au 30 mars 1998 à l'Assemblée nationale, Les Révolutions de 1848, l'Europe des images ont proposé une...

  • ADÉAGBO GEORGES (1942- )

    • Écrit par
    • 884 mots

    Georges Adéagbo est né en 1942 à Cotonou (République du Bénin). Il grandit dans un milieu aisé mais se heurtera cependant à son père lorsqu'il décide de s'inscrire à l'université d'Abidjan pour commencer une capacité en droit. Il poursuivra son cursus à Paris tout en travaillant à Rouen pour financer...

  • AFRICA REMIX (exposition)

    • Écrit par
    • 1 063 mots

    Dans l'horizon élargi de l'universalisation de l'art, les scènes artistiques les plus éloignées ont, à un moment ou à un autre, leur chance d'apparaître comme matière à exposition. Il en est une cependant dont la perception demeure problématique : l'art contemporain...

  • À LA MORT, À LA VIE ! VANITÉS D'HIER ET D'AUJOURD'HUI (exposition)

    • Écrit par
    • 1 061 mots
    • 1 média

    Du 27 novembre 2021 au 7 mai 2022, le musée des Beaux-Arts de Lyon a présenté sous le commissariat de Ludmila Virassamynaïken, conservatrice en chef du patrimoine, une exposition intitulée À la mort, à la vie ! Vanités d’hier et d’aujourd’hui, dont l’originalité principale résidait...

  • Afficher les 240 références