EXPOSITIONS UNIVERSELLES
Une appropriation du monde
Cosmopolites par la diversité d’origine des exposants et des visiteurs, les expositions se sont très vite transformées en d’extraordinaires fenêtres ouvertes sur toutes les terres lointaines, entraînant l’imaginaire de leurs visiteurs à la découverte d’autres horizons et d’autres peuples. Offrant ou prétendant offrir « le tour du monde en un jour » (pour reprendre le slogan de l’Exposition internationale coloniale de 1931 à Paris), elles présentent productions exotiques, architectures lointaines et populations « dépaysantes ». Sous prétexte d’instruire le public en lui faisant connaître d’autres mœurs et d’autres cultures, mais surtout afin de le distraire et de l’étonner, elles mettent en scène une certaine appropriation du monde qui a façonné une bonne part de nos jugements contemporains.
Confrontés très tôt aux exigences de la rentabilité, les organisateurs ont misé sur des attractions capables d’attirer le public en nombre, transformant ces « fêtes du progrès » en véritables Luna Park. À cette fin, ils exploitent volontiers deux filons qui se révèlent très profitables : l’exotisme et la découverte des civilisations disparues grâce à une discipline naissante très en vogue au xixe siècle, l’archéologie. Sans doute autant qu’en matière de techniques, les expositions universelles ont contribué à populariser celle-ci en mettant à la portée du plus grand nombre les découvertes récentes sous une forme souvent ludique, au service de la pédagogie. On peut en trouver une intéressante illustration dans la « révélation » du Mexique ancien, par exemple, d’abord à travers la réplique en plâtre de la pyramide de Xochicalco, édifiée par Léon Méhédin sur le Champ-de-Mars, en 1867, puis avec le palais aztèque construit par Antonio Anza pour le gouvernement mexicain à l’Exposition universelle de 1889.
Quant à l’exotisme, il est omniprésent dans les expositions, du Parc des nations de 1867 à la Rue du Caire de 1889 ou à la Rue d’Alger de 1900, en passant par les ballets javanais, les défilés coloniaux ou encore l’Exposition coloniale de 1931, dans le bois de Vincennes. Ces entreprises rencontrent généralement un grand succès en comblant une curiosité populaire très vive pour des pays lointains, souvent fantasmés, déformés et réinterprétés, largement inspirée par l’orientalisme à la mode dans la littérature et les beaux-arts.
Beaucoup de pays « périphériques », incapables de rivaliser industriellement avec les grandes nations occidentales, viennent dans les expositions pour se montrer sous un jour avantageux et attractif, dans l’intention de revendiquer une légitimité nationale, de s’émanciper d’une tutelle pesante ou de se développer en nouant des partenariats économiques. Non sans ambivalence, souvent au prix d’arrangements avec la réalité et parfois même à leur propre détriment, car les étiquettes que collent les expositions se révèlent bien tenaces... Elles sont en effet des manifestations populaires qui s’adressent à un public très large, se comptant par millions, mais que ne sélectionne aucun niveau d’instruction ni de culture. Pour marquer les esprits, il leur faut donc recourir à des images fortes, impressionnantes mais peu subtiles, avec les inévitables approximations et outrances qui s’ensuivent. Derrière le succès se cachent souvent des malentendus et des désillusions. Ainsi, l’Égypte, pourtant arrivée dans les expositions auréolée de la caution scientifique de l’égyptologue Auguste Mariette, responsable du Parc égyptien de l’exposition de 1867, se retrouve, quelques expositions plus tard, victime d’une image « folklorique » galvaudée, faite de pharaons et de danseuses du ventre. Si elle figure encore à l’exposition de 1889 et aux suivantes, c’est prise au piège de sa propre caricature et ravalée au statut d’attraction, celle[...]
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Écrit par
- Christiane DEMEULENAERE-DOUYÈRE : conservatrice générale honoraire du Patrimoine
Classification
Médias
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