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EXPOSOME

Cernes annuels de croissance d’un arbre, trace de son exposome - crédits : Mario Marco/ Getty Images

Cernes annuels de croissance d’un arbre, trace de son exposome

Depuis 2010 environ, la notion d’exposome pénètre la recherche en santé environnementale. Quand elle est introduite en 2005 par Christopher Wild, épidémiologiste moléculaire alors directeur du Centre international de recherche contre le cancer de l’OMS, elle est définie comme l’étude de l’ensemble des expositions environnementales auxquelles un individu est soumis tout au long de sa vie dès sa conception. Cette notion se caractérise par la volonté de développer une analyse à la fois intégrative, longitudinale et plus précise des expositions qui ont un impact sur la santé humaine. Un des objectifs est alors de restructurer le champ des recherches sur les expositions autour de ce qui serait un « nouveau paradigme en santé-environnement ».

Dans un contexte postgénomique et de capacités nouvelles de recueil et d’analyse de données massives, la recherche sur l’exposome s’inscrit dans le régime de l’économie des promesses techno-scientifiques et bénéficie d’effets d’appel, avec notamment de nombreux financements européens et nord-américains. En France, la notion figure dans le troisième (2015-2019) puis dans le quatrième plan national Santé Environnement (PNSE 2021-2025) et dans l’article 1er de la loi n° 2016-41 de modernisation du système de santé. L’approche intégrative et globale promise par l’exposome est séduisante : une compréhension plus holiste de l’étiologie des maladies pourrait améliorer leur prédiction, la prévention et la surveillance de la santé des individus et des populations, et réduire les inégalités de santé entre individus et entre populations. Il importe de tenter de démêler ce qui relève, d’une part, de la logique ordinaire des innovations en sciences biomédicales et de leurs promesses et, d’autre part, des changements effectifs que peut apporter l’approche de l’étiologie environnementale des maladies associée à cette notion.

Les promesses et le contexte de l’exposome

Face aux déconvenues du projet Génome humain quant aux retombées pour la compréhension de l’étiologie des maladies – les grandes études génomiques échouent à expliquer l’essentiel de la variabilité de ces maladies –, l’importance de s’intéresser à l’environnement et d’étudier son interaction avec le génome a fait rapidement consensus. Bien que difficile à quantifier avec précision, le poids de l’environnement – alors compris au sens de « tout ce qui n’est pas génétique » – dans l’étiologie des maladies non transmissibles (cardiovasculaires, diabète, cancers, asthme, etc.) serait de 70 à 90 %. C’est dans ce contexte et pour « compléter le génome » que Wild introduit cette notion d’exposome et qu’est lancé, entre autres, le projet Exposome humain. L’objectif est alors de combler le retard dans la précision de la mesure des expositions environnementales d’un sujet, qui est très loin du niveau de résolution du séquençage de son génome.

L’idée que l’environnement influence la santé est ancienne. Mais l’évaluation précise de cette influence est particulièrement complexe. La notion d’environnement renvoie à des expositions très hétérogènes dans leur nature (comportements, stress psychologique, exposition à un produit chimique, alimentation, etc.). En outre, ces expositions ont considérablement évolué à l’ère industrielle. Les disciplines clés de cette évaluation sont la toxicologie, science expérimentale qui se base sur l’usage de modèles animaux, et l’épidémiologie, qui repose sur des études observationnelles. Dans les deux cas, l’inférence causale rencontre d’importantes difficultés : la première est confrontée au problème de l’extrapolation à l’humain ; la seconde, au problème de l’interprétation causale d’une corrélation statistique. De plus, la mise en complémentarité de leurs résultats n’est pas toujours aisée. Surtout, ces deux disciplines[...]

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Écrit par

  • : professeure des Universités en philosophie des sciences et de la médecine, université Jean-Moulin Lyon-III

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Médias

Cernes annuels de croissance d’un arbre, trace de son exposome - crédits : Mario Marco/ Getty Images

Cernes annuels de croissance d’un arbre, trace de son exposome

Réseaux des signatures omiques d’une fraction de l’exposome de la petite enfance - crédits : Encyclopædia Universalis France

Réseaux des signatures omiques d’une fraction de l’exposome de la petite enfance

Autres références

  • SANTÉ ET ENVIRONNEMENT

    • Écrit par
    • 7 764 mots
    • 3 médias

    Le préambule de la Constitution de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), adoptée le 22 juillet 1946, définit la santé non pas comme l'absence de maladies mais comme un « état de bien-être total physique, social et mental de la personne ». Cet énoncé a été complété en 1986 par la charte d'Ottawa...