EXPOSOME
De multiples définitions et l’éclatement de l’exposome
L’ambition de la définition initiale de Wild en 2005 allie exhaustivité des expositions tout au long de la vie d’un individu et précision de leur mesure – idéaux difficilement accessibles (inaccessibles en ce qui concerne l’exhaustivité) et sans doute peu compatibles. En pratique, la notion d’exposome est nécessairement restreinte dans le temps et dans l’étendue des types d’expositions mesurables et mesurées. C’est dès lors dans le choix de la fraction de l’exposome à privilégier – et donc des expositions à étudier, physiques, sociales, comportementales, chimiques… – que des différences, notamment disciplinaires, apparaissent, qui relativisent forcément le rôle unificateur revendiqué de l’exposome.
Après son introduction par Wild, la notion est reprise en 2010 par Stephen Rappaport, chimiste, et Martyn Smith, toxicologue, mais cette fois-ci centrée sur la mesure de l’environnement chimique interne du corps à des moments critiques comme la vie intra-utérine, la petite enfance, l’adolescence, la ménopause et l’andropause. L’environnement interne contient des composants chimiques biologiquement actifs. Il peut s’agir aussi bien de polluants qui ont pénétré dans le corps et peuvent être directement mesurés dans le sang ou l’urine que d’informations sur les réponses biologiques induites par l’exposition externe (réaction inflammatoire, stress oxydatif, peroxydation de lipides, modification de microbiotes, etc.). Un premier avantage revendiqué d’une focalisation sur l’environnement interne est que ce dernier pourrait jouer le rôle d’indicateur synthétique de l’ensemble de l’exposome : il promet en tout cas la capture « d’un large éventail d’expositions dans un seul prélèvement ». Un second avantage est que les expositions sont largement mesurées indépendamment de leur source externe. Une approche non ciblée, c’est-à-dire sans hypothèse a priori, rendue possible en particulier par le recours à la spectrométrie de masse de haute résolution, permettrait de découvrir des composés chimiques utiles pour la compréhension de l’impact d’une exposition sur la santé et aurait ainsi une valeur exploratoire ou heuristique. Le présupposé néanmoins sous-jacent est que l’externe serait entièrement détectable dans l’interne, comme le formulent Marc Chadeau-Hyam et ses coauteurs en 2019 : « Tout composant de l’exposome qui a un véritable effet doit être détectable dans l’environnement interne. »
Dans un article en 2012, Wild reprend la notion d’environnement interne en en faisant seulement un domaine de l’exposome auquel il considère nécessaire d’y ajouter deux autres : « l’exposome externe spécifique », qui désigne l’ensemble des agents extérieurs ou facteurs de risques environnementaux ( radiations, agents infectieux, contaminants chimiques et polluants, régime, facteurs de style de vie, par exemple, tabac, alcool, profession, interventions médicales, etc.) ; et « l’exposome externe général », c’est-à-dire les facteurs sociaux, économiques, écologiques et psychologiques (« capital social, éducation, statut financier, stress psychologique, environnement rural/urbain, climat, etc. »). Avec ce spectre élargi, il renoue avec la triade étiologique de l’épidémiologie traditionnelle : hôte-agent-environnement.
Puis, en 2014, Gary Miller, toxicologue et pharmacologue – auteur du premier ouvrage dédié à l’exposome –, et Dean Jones, biochimiste, proposent une définition qui insiste sur l’importance d’inclure la mesure des processus endogènes générés par les expositions, comme les modifications épigénétiques. La focale est ici de nouveau sur l’environnement interne et sur la manière dont l’organisme réagit à l’exposition externe. Ils redéfinissent alors l’exposome comme la « science de l’acquis », permettant[...]
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Écrit par
- Élodie GIROUX : professeure des Universités en philosophie des sciences et de la médecine, université Jean-Moulin Lyon-III
Classification
Médias
Autres références
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SANTÉ ET ENVIRONNEMENT
- Écrit par Gabriel GACHELIN
- 7 764 mots
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