EXPOSOME
Ce qui serait nouveau dans l’exposome
Mais qu’y a-t-il alors de vraiment nouveau avec l’exposome ? S’il s’agit d’introduire dans l’épidémiologie le recours aux biomarqueurs et le niveau moléculaire d’analyse, l’épidémiologie moléculaire s’est engagée sur cette voie dès les années 1990. L’enjeu y était d’ailleurs déjà de faire converger toxicologie et épidémiologie. S’il s’agit de l’importance donnée à la dimension temporelle, « l’épidémiologie vie entière » s’est aussi développée dès les années 1990 en s’appuyant sur le modèle life course issu de la sociologie en lien étroit avec la notion de la DOHaD (Developmental Origins of Health and Disease). Cette notion repose sur la mise en évidence par David Barker en 1989 des effets retardés d’expositions précoces, comme l’exposition aux perturbateurs endocriniens (tel le distilbène) par la mère pendant la gestation et dont les effets se manifestent chez l’adulte.
La promesse d’une approche multiexposition, qui est souvent ce que désigne le terme « holisme » dans la littérature exposomique, est sans doute ce qu’il y a de plus nouveau. De fait, elle n’était pas possible avant les avancées biotechnologiques et bio-informatiques. Dans le cadre en particulier de l’étude de l’exposome interne, les technologies omiques, qui évaluent quantitativement le génome, le transcriptome, le protéome, le métabolome, voire l’adductome, permettent une description précise en termes moléculaires de l’état physiologique d’un individu à un moment donné et de doser différents produits chimiques.
Dès lors, le poids pris par ces technologies inspire deux remarques. Premièrement, le sens donné au suffixe « ome » dans « exposome » devient ambigu. Il peut aussi bien désigner la totalité desexpositions quelle que soit leur nature que la totalité de certaines sortes de biomarqueurs d’exposition à l’échelle moléculaire.Dans ce dernier cas, « -ome » a le sens du préfixe contenu dans ce qu’on désigne par les technologies omiques. De fait, pour certains comme Megan Niedzwiecki et ses collaborateurs (2019), l’exposome n’est pas autre chose que la « caractérisation à l’échelle omique des drivers non génétiques de la santé et de la maladie ». Le voilà donc pleinement et explicitement assimilé ou réduit à l’exposomique. Or Wild tient pour sa part à distinguer le phénomène mesuré (exposome) et la méthode par laquelle on l’approche, qui s’étend au-delà de l’exposomique et inclut le suivi géospatial, les capteurs personnels, les questionnaires, etc.
Deuxièmement, on se situe dès lors clairement dans le cadre du régime de « l’économie des promesses technoscientifiques ». Ce sont ces innovations qui rendent crédibles les promesses des approches multiexpositions et de gain dans la précision des mesures. Or parler ici d’une technologie révolutionnaire ou d’un nouveau paradigme relève avant tout de la rhétorique. La nouveauté de l’exposome est plutôt incrémentale et relève de l’adaptation et de l’articulation d’approches, de méthodes et de conceptualisations, déjà existantes dans le contexte postgénomique des sciences de la vie et de la santé, et déjà transférées en épidémiologie.
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Écrit par
- Élodie GIROUX : professeure des Universités en philosophie des sciences et de la médecine, université Jean-Moulin Lyon-III
Classification
Médias
Autres références
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SANTÉ ET ENVIRONNEMENT
- Écrit par Gabriel GACHELIN
- 7 764 mots
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