Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

EXTINCTIONS BIOLOGIQUES

La complexité de l'extinction des espèces

Un examen attentif des disparitions actuelles montre que ce phénomène n'est pas si simple que cela et fait intervenir divers facteurs qui ne relèvent pas des seuls critères biologiques.

Jusqu'à présent, la notion d'extinction d'une espèce reposait principalement sur une analyse scientifique du phénomène fondée classiquement sur deux principes. Le premier est la petite taille des populations et son effet sur la survie des espèces. Ainsi, lorsque la population franchit un certain seuil minimum, elle s'éteint inévitablement. Ce principe est à la base de la biologie de la conservation des années 1980, les livres de l'Américain Michael E. Soulé ayant largement contribué à sa popularisation. Le second principe repose sur l'analyse des causes probables de la réduction des populations, ce qui permet de développer des mesures rationnelles afin d'éviter ce phénomène. Apparu un peu plus tard, il s'est développé en parallèle avec le précédent.

Le premier principe se prête aisément à la théorisation (par exemple, par l'usage de modèles pour prédire l'évolution des populations ou pour évaluer la taille des habitats à conserver) mais pas le second, du fait de la trop grande variété des causes de la réduction des populations. Ces deux principes permettent d'évaluer le risque d'extinction. L'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) l'utilise pour établir ses fameuses listes rouges d'espèces menacées.

Typologie des extinctions

En 2008, deux chercheurs britanniques, Richard J. Ladle et Paul C. Jepson, après avoir analysé diverses disparitions actuelles, ont proposé de classer les extinctions en six catégories afin de mieux les définir. Cette typologie permet de comprendre la diversité des situations mais aussi le lien qui unit l'analyse scientifique de l'extinction à sa perception sociale.

Le premier type, qualifié d'extinction linnéenne, est fondé sur l'évaluation du nombre total d'espèces, d'où la référence à Carl von Linné, le père de la taxinomie et de la nomenclature binominale. Le volume des extinctions linnéennes est extrapolé à partir du nombre d'espèces connues ou supposées, des courbes aire-espèce, des taux de disparition des habitats... L'un des exemples les mieux connus est celui de l'Américain Edward O. Wilson (fondateur de la sociobiologie, évolutionniste et avocat de la conservation de la biodiversité) qui, en 1993, a avancé le chiffre (dans son hypothèse « basse ») de 27 000 disparitions d'espèces par an. Cette manière d'appréhender les extinctions est très anxiogène et est souvent utilisée pour stigmatiser l'impact des activités humaines sur l'environnement. Son avantage est cependant d'avoir permis la mise en place des macro-mesures de conservation (comme la lutte contre la déforestation ou pour la préservation des zones humides). L'utilisation de ce type de notion d'extinction est ambiguë : elle permet d'attirer l'attention des médias, mais elle fait courir le risque que l'idée d'extinction finisse par être déconsidérée. En effet, il est difficile, voire impossible, d'apporter la preuve de la disparition d'un tel nombre d'espèces : au contraire, les espèces officiellement reconnues comme disparues sont bien plus rares et leur nombre ne dépasse guère quelques dizaines chaque année. On risque ainsi, à force de crier au loup, que l'opinion publique ne fasse plus confiance aux acteurs environnementaux (qu'ils soient scientifiques ou militants). C'est parce qu'elle frappe les esprits, que ce type d'extrapolation a été utilisé par des environnementalistes, comme Norman Myers, qui ont admis avoir exagéré ces évaluations dans le but d'obtenir l'attention des scientifiques et des politiques.[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS
  • : docteur en sciences de l'environnement, historienne des sciences et de l'environnement, chercheuse associée au laboratoire SPHERE, CNRS, UMR 7219, université de Paris-VII-Denis-Diderot

Classification

Médias

Extinctions biologiques : la limite Crétacé-Tertiaire - crédits : E. Buffetaut

Extinctions biologiques : la limite Crétacé-Tertiaire

Extinctions biologiques : les effets de l'impact d'une météorite - crédits : Encyclopædia Universalis France

Extinctions biologiques : les effets de l'impact d'une météorite

Extinctions d'espèces : les cinq grandes crises - crédits : Encyclopædia Universalis France

Extinctions d'espèces : les cinq grandes crises

Autres références

  • ALVAREZ ET L'EXTINCTION DES DINOSAURES

    • Écrit par
    • 182 mots

    Les chercheurs américains Luis W. Alvarez, son fils Walter Alvarez, Frank Asaro et Helen Michel annoncent, en 1980, la découverte d'un fort enrichissement en iridium dans un niveau argileux daté à 65 millions d'années (limite entre le Crétacé et le Tertiaire). Cet élément chimique...

  • BIODIVERSITÉ

    • Écrit par et
    • 5 883 mots
    • 10 médias
    ...tous les niveaux : nombre d’espèces, taille des populations pour une espèce donnée et diversité génétique au sein même des populations. On estime que la vitesse d’extinction des espèces est actuellement cent à mille fois supérieure à ce qu’elle a pu être au cours des dix derniers millions d’années. Mais...
  • CÉNOZOÏQUE

    • Écrit par
    • 7 601 mots
    • 7 médias
    ... et les plantes à fleurs. Le Cénozoïque est, quant à lui, une ère de spécialisations qui s'opèrent sur des groupes déjà bien établis et ayant survécu à l'extinction en masse de la limite Crétacé/Paléogène (aussi dite Crétacé/Tertiaire) (fig. 4 et 5). Le nombre de ces groupes est très...
  • CHICXULUB CRATÈRE DE

    • Écrit par
    • 440 mots

    Pour la plupart des spécialistes, les extinctions massives d'espèces à la fin du Crétacé, il y a 65 millions d'années (Ma), ont résulté de l'obscurcissement du Soleil et de changements climatiques de grande ampleur déclenchés par un impact météoritique catastrophique. Témoins d'un...

  • Afficher les 16 références