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EXTINCTIONS BIOLOGIQUES

Vers une théorie générale des crises biologiques ?

Extinctions d'espèces : les cinq grandes crises - crédits : Encyclopædia Universalis France

Extinctions d'espèces : les cinq grandes crises

Le regain d'intérêt pour les grandes extinctions et le débat concernant leur origine ont conduit à rechercher des phénomènes récurrents qui pourraient expliquer ces crises biologiques. Dans les années 1980, les paléontologues américains David Raup et John Sepkoski établirent des bases de données permettant de quantifier les taux d'extinctions des genres d'animaux marins au cours des temps géologiques. Les cinq grandes extinctions en masse évoquées ressortent nettement de ces diagrammes (fig. 2), mais un certain nombre de « pics » de moindre ampleur sont intercalés entre les grandes crises. Ces faits ont mené certains paléontologues à l'idée d'une périodicité des extinctions en masse avec des cycles dont la durée fut estimée à une trentaine de millions d'années.

Le débat sur la cause extra-terrestre de l'extinction en masse de la fin du Crétacé faisait alors rage et certains chercheurs suggérèrent des mécanismes astronomiques susceptibles de soumettre la Terre à un bombardement météoritique à intervalles réguliers (effets gravitationnels d'une étoile non encore détectée, notamment). L'intérêt porté à ces spéculations a aujourd'hui beaucoup faibli, principalement parce que la périodicité supposée n'a pas résisté à un examen détaillé des données paléontologiques : par leur ampleur réelle, beaucoup des crises supposées n'ont en fait rien d'une extinction en masse et les cycles invoqués relèvent plus d'artifices statistiques que de la réalité.

Si cette approche est aujourd'hui quelque peu abandonnée, on peut néanmoins se demander si les cinq grandes extinctions en masse généralement reconnues – et, éventuellement, quelques crises de moindre ampleur – ne pourraient avoir des causes communes.

Selon Courtillot, la cause principale des extinctions en masse serait les grands épanchements basaltiques qui se sont produits à diverses époques de l'histoire de la Terre. Ces épisodes volcaniques auraient eu sur l'environnement global des effets néfastes susceptibles de provoquer de nombreuses disparitions d'espèces. De fait, on constate des coïncidences chronologiques entre la formation de certains trapps et des extinctions (les trapps du Deccan à la limite Crétacé-Tertiaire, ceux de Sibérie à la limite Permien-Trias...), mais il faut aussi remarquer que certains de ces grands épisodes volcaniques ne sont pas associés à des extinctions notables.

Pour les chercheurs qui considèrent que l'impact de Chicxulub est la cause principale de l'extinction en masse de la fin du Crétacé, la tentation est grande de chercher une telle cause extra-terrestre pour toutes les autres grandes crises biologiques. Aujourd'hui, la seule grande extinction qui soit indiscutablement liée à un tel impact est celle de la limite Crétacé-Tertiaire, même si de récentes découvertes suggèrent néanmoins la possibilité d'impacts météoritiques importants aux limites Trias-Jurassique et Permien-Trias. La structure de Bedout est à cet égard d'un intérêt tout particulier et il n'est pas impossible que les plus grandes extinctions en masse aient été dues à la collision d'objets extra-terrestres avec la Terre.

Quoi qu'il en soit, il paraît prématuré de conclure que toutes les extinctions en masse ont eu la même cause. En dépit de points communs, celles-ci paraissent assez différentes les unes des autres dans leurs effets sur la biosphère et probablement aussi dans leur déroulement et leur durée. Plutôt que de se lancer dans des généralisations hâtives, il convient d'étudier en détail chacune de ces crises biologiques, comme cela a été fait depuis plus de vingt ans pour la limite Crétacé-Tertiaire, en s'intéressant aussi bien aux organismes qui survivent qu'à ceux qui disparaissent. En[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS
  • : docteur en sciences de l'environnement, historienne des sciences et de l'environnement, chercheuse associée au laboratoire SPHERE, CNRS, UMR 7219, université de Paris-VII-Denis-Diderot

Classification

Médias

Extinctions biologiques : la limite Crétacé-Tertiaire - crédits : E. Buffetaut

Extinctions biologiques : la limite Crétacé-Tertiaire

Extinctions biologiques : les effets de l'impact d'une météorite - crédits : Encyclopædia Universalis France

Extinctions biologiques : les effets de l'impact d'une météorite

Extinctions d'espèces : les cinq grandes crises - crédits : Encyclopædia Universalis France

Extinctions d'espèces : les cinq grandes crises

Autres références

  • ALVAREZ ET L'EXTINCTION DES DINOSAURES

    • Écrit par
    • 182 mots

    Les chercheurs américains Luis W. Alvarez, son fils Walter Alvarez, Frank Asaro et Helen Michel annoncent, en 1980, la découverte d'un fort enrichissement en iridium dans un niveau argileux daté à 65 millions d'années (limite entre le Crétacé et le Tertiaire). Cet élément chimique...

  • BIODIVERSITÉ

    • Écrit par et
    • 5 883 mots
    • 10 médias
    ...tous les niveaux : nombre d’espèces, taille des populations pour une espèce donnée et diversité génétique au sein même des populations. On estime que la vitesse d’extinction des espèces est actuellement cent à mille fois supérieure à ce qu’elle a pu être au cours des dix derniers millions d’années. Mais...
  • CÉNOZOÏQUE

    • Écrit par
    • 7 601 mots
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    ... et les plantes à fleurs. Le Cénozoïque est, quant à lui, une ère de spécialisations qui s'opèrent sur des groupes déjà bien établis et ayant survécu à l'extinction en masse de la limite Crétacé/Paléogène (aussi dite Crétacé/Tertiaire) (fig. 4 et 5). Le nombre de ces groupes est très...
  • CHICXULUB CRATÈRE DE

    • Écrit par
    • 440 mots

    Pour la plupart des spécialistes, les extinctions massives d'espèces à la fin du Crétacé, il y a 65 millions d'années (Ma), ont résulté de l'obscurcissement du Soleil et de changements climatiques de grande ampleur déclenchés par un impact météoritique catastrophique. Témoins d'un...

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