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EXTRADITION

Acte par lequel un État remet à un autre État qui lui en fait la demande un individu recherché ou déjà condamné par les juridictions pénales du pays requérant. L'extradition n'est, tout d'abord, qu'un simple engagement de courtoisie entre certains princes en vue de la livraison de malfaiteurs de droit commun (ainsi la convention de 1303 entre les royaumes de France et d'Angleterre). Il faut attendre le xviiie siècle pour qu'elle entre dans la pratique générale des États ; elle s'applique alors aussi aux crimes politiques. Dès cette époque, les conventions bilatérales se multiplient et les échanges s'intensifient. La plupart des pays ont fini par concrétiser dans leur législation leur doctrine de l'extradition (Angleterre : Extradition Act du 9 août 1870 ; France : loi du 10 mars 1927). Cependant, les législations internes n'entraînant que la faculté d'extrader ne font pas obstacle au développement du droit conventionnel qui en fait une obligation. Le Code de droit international privé ou Code Bustamante (La Havane, 20 février 1928) tente d'imposer quelques règles strictes en la matière. Acte de solidarité répressive internationale, l'extradition est aussi un acte de souveraineté pour l'État requis : elle s'opère par la voie diplomatique. Elle suppose un rapport d'égalité entre États souverains : la livraison d'un individu, obtenue par la contrainte, ne constitue pas une extradition. Aucun État n'est tenu de livrer ses propres nationaux, la plupart d'entre eux s'en interdisent d'ailleurs formellement la possibilité. L'extradition n'a lieu que pour des faits délictueux graves, commis sur le territoire de l'État requérant et réprimés par la législation de l'État requis. Elle s'étend dans la plupart des cas aux complices du crime ou du délit ; cependant, la prescription fait obstacle à la demande d'extradition. Les crimes et délits de nature politique ou militaire ne peuvent en principe justifier l'extradition de leur auteur, celui-ci peut pourtant être parfois extradé s'il s'est rendu coupable d'actes particulièrement odieux leur faisant perdre cette nature (assassinat de chefs d'État, crime contre l'humanité, terrorisme). Il faut noter que dans bien des cas la procédure d'extradition n'est pas utilisée mais fait place à des mesures d'enlèvement, dont l'illégalité est indiscutable. L'existence d'un traité d'extradition entre l'État requérant et l'État requis oblige ce dernier ; s'il refuse l'extradition, il doit motiver son refus et engage alors sa responsabilité internationale. Lorsque aucune convention n'existe, l'État requis conserve son entière liberté d'appréciation ; dans la plupart des cas, en France notamment, le gouvernement consulte l'autorité judiciaire sur la suite à donner à une demande d'extradition. L'avis, toujours motivé, ne lie le gouvernement que s'il est défavorable. Un individu réclamé par plusieurs États doit être livré à l'État sur le territoire duquel il a commis le délit le plus important ; au cas où l'État requis aurait lui-même à poursuivre cet individu, il pourrait en différer la remise jusqu'à ce que la justice ait suivi son cours. La procédure n'a rien perdu de son actualité ; elle connaît même de nouvelles applications du fait de certaines conventions instituant un système de « compétence universelle » pour des infractions telles que le trafic des stupéfiants ou la piraterie aérienne.

— Patricia BUIRETTE

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Écrit par

  • : professeur de droit international public à l'université d'Évry-Val-d'Essonne

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