EXTRÊME DROITE
La famille des partis d'extrême droite
Peut-on définir aujourd'hui une famille des partis politiques d'extrême droite ? Et si oui, le Front national, puis le Rassemblement national y appartiennent-ils, bien qu’ils s’en défendent vigoureusement ? Si on les inclut, dans quel sous-groupe les classer ? Ces questions figurent parmi celles qui font débat au sein de la communauté scientifique et il est d'autant plus difficile d'y apporter des réponses tranchées que les années 1990 et suivantes ont vu émerger ou se renforcer un certain nombre de formations inclassables (Forum pour la démocratie aux Pays-Bas, Union démocratique du centre en Suisse, Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni [UKIP, puis parti du Brexit] outre-Manche), que seul le raccourci journalistique permet d'assimiler aux formations d'extrême droite.
Analyse des discours
Dans les années 1990-2000, il était possible de définir une famille de l'extrême droite dont toutes les composantes réunissaient un certain nombre de critères. La tentative la plus aboutie de classification était celle du politologue néerlandais Cas Mudde, dans sa thèse intitulée The Extreme Right Party Family. An ideologicalapproach (1998). Pour lui appartenaient à l'extrême droite les formations qui combinaient le nationalisme (étatique ou ethnique), l'exclusivisme (donc le racisme, l'antisémitisme, l'ethnocentrisme ou l'ethnodifférentialisme), la xénophobie, des traits antidémocratiques (culte du chef, élitisme, monisme, vision organiciste de l'État), le populisme, l'esprit anti-partis, la défense de la loi et de l'ordre, le souci de l'écologie, une éthique de valeurs insistant sur la perte des repères traditionnels (famille, communauté, religion) et un projet socio-économique mélangeant corporatisme, contrôle étatique sur certains secteurs stratégiques et croyance forte dans le jeu naturel du marché. La liste des partis qui correspondaient à cette description comprenait les principales formations qui, en Europe occidentale, avaient connu des succès électoraux importants dans les années 1980-2000 (FPÖ, FN, Vlaams Blok devenu Vlaams Belang en 2004, Ligue du Nord).
Cette analyse découlait du fait que les politologues s'accordaient à peu près pour distinguer, depuis 1945, trois « vagues » de partis extrémistes de droite. La première, de 1945 à 1955, se caractérise par sa proximité avec les idéologies totalitaires des années 1930 et est souvent nommée « néo-fasciste ». En France n'ont guère correspondu à ce schéma que des groupuscules insignifiants (Phalange française) et le mouvement Jeune Nation, fondé en 1954 par les frères Sidos, dont l'un, Pierre, dirigea à partir de 1969 la petite Œuvre française, dissoute par le gouvernement en 2013. La seconde vague, apparue au milieu des années 1950 et se terminant dans les années 1970, souvent qualifiée de « droite radicale », comprendrait le mouvement Poujade (dont le nom officiel fut Union de défense des commerçants et artisans, ou UDCA), un mouvement des classes moyennes radicalisées, pour reprendre le concept élaboré par l'Américain Seymour Martin Lipset. Enfin, à partir des années 1980-2000 et jusqu'à aujourd'hui arrive la « troisième vague », dite « nationale-populiste ». Plusieurs tentatives avaient été faites pour isoler, au sein de la famille d'extrême droite, des sous-groupes cohérents. Piero Ignazi distinguait ainsi entre « anciens » partis à la filiation nette avec les fascismes (Mouvement social italien-Droite nationale, ou MSI-DN) et partis « postindustriels », dont le FN français. Le politologue suisse Hans-Georg Betz préférait opposer les populismes radicaux de type néo-libéral, voire libertarien (scandinaves en particulier), aux nationaux-populismes autoritaires, parmi lesquels le FN. [...]
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Écrit par
- Jean-Yves CAMUS : codirecteur de l'Observatoire des radicalités politiques, Fondation Jean-Jaurès, senior fellow, Centre for Analysis of the Radical Right (CARR)
Classification
Médias
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