FABLES (J. de La Fontaine) Fiche de lecture
Le monde des fables
La fable est un genre complexe et composite, qui tient à la fois du conte, donc du récit, de l'apologue, et de bien d'autres genres. L'on peut dire ainsi que la fable, comme genre littéraire, est généralement une instruction déguisée sous l'allégorie d'une action. C'est donc une fiction, une invention, un mensonge, mais, selon le paradoxe syllogistique, c'est un mensonge qui dit la vérité. La fable joue sur l'analogie, sur l'exemple fabuleux, pour dire la vérité des choses. L'homme, comme l'enfant, étant incapable de se laisser charmer par la vérité pure, par l'expression directe de cette vérité, il faut passer par des récits et par l'imagination, donc par le fabuleux, pour en arriver à la vérité, si elle existe.
En intégrant les deux éléments, le récit et la morale, qui de tout temps ont fait la fable, La Fontaine joue à la fois sur la brièveté et la gaieté, mais se permet, en liant organiquement l'une à l'autre, d'indiquer et de cacher en même temps les sens qu'il attribue à ses fables ; il interroge le récit et laisse le lecteur l'interroger en lui donnant les moyens d'en interrompre le cours par une réflexion déjà programmée dans ce récit et dans l'esquisse de morale qui en dépend. D'où le fait que les récits ne délivrent pas seulement des morales constituées mais se permettent d'interroger des concepts afin que le lecteur développe la réflexion à son profit. C'est ainsi que cette manière de dire et de faire, plaisante et critique, finit par guider le lecteur vers un doute radical, largement teinté de libertinage érudit.
Très tôt intégrées comme référence scolaire (certaines étaient d'ailleurs destinées à l'édification du Grand Dauphin ou du duc de Bourgogne), les Fables ont bercé les jeunes années de la plupart des écoliers français et étrangers (les traductions en sont nombreuses, dès le xviie siècle). Dénoncées par Rousseau qui affirme qu'elles poussent les enfants au vice, elles scandalisent Napoléon Ier et Lamartine pour leur dureté et leur cruauté. Mais, généralement, le monde des Fables séduit pour la vivacité de ses traits, sa diversité, sa gaieté et son humour. Restent les questions qu'il pose, toujours précises, toujours actuelles, et qui recoupent par bien des points la méditation de Pascal dans ses Pensées.
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Écrit par
- Christian BIET : professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Médias