HYBERT FABRICE (1961- )
Les critiques qui ont rendu compte des premières expositions de Fabrice Hybert (notamment Philippe Piguet, dans Art Press no 116, juillet-août 1987) ont tous souligné la liberté affichée par le jeune artiste « sautant d'une image à l'autre », n'étant « jamais là où l'on croit le trouver ». Fabrice Hybert n'a jamais cessé de déconcerter par une curiosité qui « s'apparente en quelque sorte à l'activité d'un enfant culotté qui regarderait par les trous d'une serrure » (Fabrice Hybert parlant de ses Peintures homéopathiques). Créateur d'un œuvre protéiforme, il a instauré son travail selon une conception proliférante qui procède sans souci chronologique par dérives, gonflements, glissements, déplacements entre le dessin, la peinture, la sculpture, l'installation, la performance, la photographie et la vidéo. Comme le héros du Story-board présenté au Capc-musée d'art contemporain de Bordeaux (1993) dans lequel « un agriculteur se transforme en généticien, le héros sans visage, dans l'intention de ne jamais être cernable ou être repéré, dévie sa trajectoire en changeant de métier : d'agriculteur il passe à architecte puis prothésiste puis traducteur et contorsionniste, etc. ».
Les peintures homéopathiques
L'artiste français Fabrice Hybert, né en 1961 à Luçon en Vendée, fait ses études à l'école des Beaux-Arts de Nantes au début des années 1980.
Matrice de l'ensemble de son travail, les Peintures homéopathiques (depuis 1986) sur lesquelles viennent s'agréger, sans unité, des dessins, des photographies, des inscriptions, sont conçues comme des tableaux de recherche. Chaque œuvre constitue une étape d'un immense rhizome dont les articulations naissent d'une volonté de mettre en évidence des modes de réaction, des procédés combinatoires qui favorisent la conscience des rapports entre le corps et la pensée. Tel est le processus créatif de Fabrice Hybert. L'œuvre achevée ressemble à la vision simultanée de plusieurs images qui se contamineraient l'une l'autre, faisant naître un faisceau d'associations qui circulent librement, selon un procédé de réversibilité à plusieurs entrées. Car rien n'est définitivement décidé par l'artiste qui porte son attention à la larve (Larve d'entreprise, 1991-1992), à la forme transitoire du projet : « C'est dans ce retrait supplémentaire que je travaille. [...] Ce choix d'un statut larvaire, préesthétique, pour l'œuvre, consiste à faire en sorte qu'elle soit prise en charge par celui qui regarde. Mes œuvres sont très peu déterminées, une sorte de fiction s'élabore donc, à la charge du spectateur. »
Proche de la réflexion scientifique, accordant un rôle déterminant au langage, Fabrice Hybert accumule les investigations sur ses tableaux-carnets de notes, expérimente les permutations successives d'une forme embryonnaire, tente, à travers de nombreux « prototypes », d'essais, de tâtonnements visuels, d'exprimer la relation mystérieuse du corps et de l'esprit. Celui-ci ne fonctionne pas comme un ordinateur mais est en prise directe avec le corps. La pensée passe par les cinq sens, elle est digérée, absorbée par le fonctionnement physiologique : le cerveau, fréquemment représenté dans ses dessins, est un organe de « digestion des données » (Digestion, 1990), les orifices, des « moteurs » de leur digestion ; elle est foncièrement érotique.
En 1988-1989, apparaissent une série de dessins sur les états de vigilance et de non-vigilance : un Pêcheur, un Chasseur, un Maçon, un Éplucheur de pommes de terre. Des personnages sont représentés dans un moment de suspens de leur activité, en attente du geste machinal. Nés d'interrogations surgies lors de l'élaboration de la série des tables objets (1988),[...]
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Écrit par
- Françoise NINGHETTO : historienne de l'art, conservateur au musée d'Art moderne et contemporain, Genève
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