HYBERT FABRICE (1961- )
Une entreprise de déproduction
Cette production, Fabrice Hybert l'a engagée dans un processus de création de véritables entreprises économiques en lien avec la société UR (Unlimited Responsability) qu'il a créée en 1994. Lui permettant d'entrer en relation avec d'autres sociétés, UR est notamment chargée d'accompagner des projets, dont les POF – prototypes d'objets en fonctionnement, autrement dit des objets imaginés, sans usage défini, qui engagent de nouvelles attitudes : des galets pour faire des ricochets, la balançoire pour un double plaisir solitaire, le ballon carré (POF n, 1998) produit en collaboration avec la F.N.A.C. à l'occasion de la Coupe du monde de football en 1998. Prolongée par un petit film, cette invention a connu un tel succès que Fabrice Hybert a dû édicter des règles de jeu qui furent appliquées lors de tournois organisés dans des salles spécialement aménagées. Un POF-shop, dans lequel sont vendus les objets POF par des vendeurs-manipulateurs d'objets (des jongleurs, des gens du cirque) s'est ouvert fin 2000 à Tōkyō, avant un autre en Belgique. En 1997, à la Biennale de Venise, Fabrice Hybert avait monté un studio de production. À Tōkyō, c'est une télévision « où tout est inventé en permanence » qui voit le jour sous son label.
L'artiste entrepreneur se comporte comme un virus s'infiltrant dans la société économique – sans perspective critique vis-à-vis de celle-ci – avec une volonté de provoquer des interférences, de promouvoir une idée de « déproduction qui irait à l'encontre des logiques de la société de consommation ». Ainsi, en 2000, Fabrice Hybert plante, dans le cadre d'une commande passée par la ville de Cahors, 2 000 arbres fruitiers pour mettre fin au monopole des arbres décoratifs. Puis il transforme à Paris l'Arc de Triomphe en un espace de consultation, un site encyclopédique, une coopérative « inconnu.net » qui, comme les UR, est « un des moyens pour élargir le champ d'action de mon travail au-delà de ma mort ». Pour Fabrice Hybert, l’artiste doit être à la fois réalisateur, entrepreneur et médiateur. Il ne choisit pas de se mettre en retrait de la sphère économique, mais il cherche à mettre en place une méthode de production marginale « complètement individuelle » qui irait à l'encontre de l'expansion productiviste. Un ver dans le fruit.
De sa collaboration au ballet des Quatre Saisons de Vivaldi avec le chorégraphe Angelin Preljocaj (2005), où après avoir assuré la « chaosgraphie », les décors et les costumes, Fabrice Hybert a interféré dans le mouvement initial prévu en insérant des POFs sur scène, s'est renforcé le concept de rhizome. « Dans un rhizome, des chaînons sémiotiques de toutes natures sont connectés à des modes d'encodage très divers, chaînons biologiques, politiques, économiques mettant en jeu non seulement des régimes de signes différents mais aussi le statut d'état des choses. » Les œuvres de Fabrice Hybert créent ainsi des liens infinis entre des formes variées en fonctionnant par hybridation d'un domaine à l'autre, connectés au social et au politique.
Dans l’exposition Matières Premières (2012) au Palais de Tokyo à Paris, Fabrice Hyber cherche à traduire un paysage mental aux multiples connexions et foncièrement hybride, où le dessin, le vent, la lumière ou le rouge à lèvres ont chacun leur part.
Depuis le 1er mai 2004, l'artiste a choisi de modifier son nom en Fabrice Hyber.
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Écrit par
- Françoise NINGHETTO : historienne de l'art, conservateur au musée d'Art moderne et contemporain, Genève
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