FAÏENCE
La faïence aux XVIIe et XVIIIe siècles
Au xviie siècle, l'Espagne (Talavera de la Reyna, Puente del Arzobispo, Muel, Lerida), le Portugal (Lisbonne) et l'Italie (Naples et Castelli, Gênes, Albissola et Savone) continuèrent à produire d'innombrables faïences, mais ces différents centres ne jouèrent plus qu'un rôle secondaire ; de nouveaux foyers créateurs se constituaient : les Pays-Bas avec Delft, la France avec Nevers. Tout l'art de la faïence en Europe se trouva régi désormais par deux grands courants stylistiques, d'une part la longue permanence du style classique italien de la Renaissance (particulièrement sensible à Nevers) et, d'autre part, l'apport oriental. Ce dernier, toujours latent dans l'art céramique, se cristallisa en quelque sorte à Delft avec l'importation massive des porcelaines de la Chine et du Japon par les compagnies des Indes.
À Delft, l'épanouissement de l'art de la faïence commença vers le milieu du xviie siècle. À cette première période appartiennent les plus parfaites peintures : marines, paysages, sujets bibliques, portraits de style européen, exécutées en camaïeu bleu par des maîtres comme Abraham de Cooge et Van Frijtom. Les porcelaines d'Extrême-Orient, bleu et blanc de la Chine, rouge et or du Japon, fournirent une inépuisable source d'inspiration aux potiers de Delft qui en ont donné d'excellentes interprétations ; les delfts dorés rivalisent avec leurs modèles orientaux. Les fonds de couleurs et les précieux delfts noirs apparurent dès les dernières années du xviie siècle. On fabriquait aussi des faïences dans plusieurs villes de Hollande, Rotterdam, Gouda, Arnhem, Makkum, etc., et en Belgique à Bruxelles, à Tournai. À partir du milieu du xviiie siècle, il s'agit d'une production plus ordinaire, notamment des faïences exécutées spécialement pour la France, connues sous le nom de delfts français, des faïences de propagande orangiste ou des delfts paysans.
Dès le xviie siècle, l'influence des Pays-Bas s'imposa aux fabriques allemandes ; Hambourg, Hanau, Francfort imitèrent Delft fidèlement, et le nom même de delftware, devenu un terme générique pour désigner la faïence anglaise (Bristol, Liverpool), dit bien son origine.
À Nevers, l'association des potiers italiens, les trois frères Corrado, dits Conrade, fut reconnue en 1603 par le roi Henri IV qui leur accorda un privilège de trente ans. Peu après 1630, d'autres fabriques s'établirent, dont celle renommée de Pierre Custode. Sans que fût abandonnée la tradition italienne, un goût nouveau se répandit sous l'influence des romans à la mode, comme L'Astrée d'Honoré d'Urfé, et les œuvres des ornemanistes français. Les faïences à fond bleu lapis, les célèbres bleus de Nevers, peints en blanc fixe et jaune, restèrent en faveur jusqu'au xviiie siècle. Nevers fit comme Delft des « décors chinois » inspirés par les porcelaines d'Extrême-Orient. Les fabriques de Nevers travaillèrent pendant tout le xviiie siècle grâce à la production massive de faïences communes, faïences « parlantes » à inscriptions, faïences commémoratives patronymiques, faïences décorées d'emblèmes révolutionnaires, imitées dans toute la France.
À Rouen, le privilège de cinquante ans accordé à Nicolas Poirel, sieur de Grandval, fut enregistré par le Parlement le 29 février 1648 ; à cette date, Grandval l'avait déjà affermé à Edme Poterat, dont l'un des fils, Louis, obtint un second privilège en 1673. Mais à l'extinction du privilège des Poterat, de nombreuses fabriques purent s'ouvrir. La faïence de Rouen, après l'influence de l'Italie, subit fortement celle de Delft et de Nevers (style « hollando-chinois »). C'est à la fin du xviie siècle que se constitua le système[...]
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Écrit par
- Henry-Pierre FOUREST : conservateur en chef du musée de la Céramique, Sèvres
- Jeanne GIACOMOTTI : conservateur honoraire des Musées nationaux
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