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FAIT DIVERS

Structure et fonction du récit

Le récit de fait divers contient en lui-même toutes les informations nécessaires à sa compréhension : c'est en ce sens qu'il faut prendre la qualification d'« information totale » que lui accorde R. Barthes (op. cit.). Sa structure le clôt sur lui-même. Il répond à toutes les questions que l'on se pose sur l'événement et ses acteurs « Quid ? Quis ? Ubi ? Quibus auxiliis ? Cur ? Quomodo ? Quando ? » (G. Auclair, 1982). L'événement s'est produit, l'action est terminée, il ne s'agit plus que d'expliquer, d'où l'agencement fixe des éléments narratifs : retour en arrière pour les circonstances, description des personnages, position de l' énigme qui entretient le suspense, car sa résolution n'est pas toujours aisée. Ce récit est réglé par une logique, dont les éléments sont des procédés narratifs invariants : disproportion entre le motif et l'acte pouvant aller jusqu'à l'absence de motif, critère de la rareté soit du fait lui-même, soit de sa cause, soit de la qualité des personnes y participant qui, un jour, adoptent un comportement qui les fait « déraper » du banal quotidien. Ce récit paraît autosuffisant. Le fait divers à rebondissements, celui des grandes affaires criminelles dont la résolution prend du temps, est perçu comme un roman-feuilleton, dont les épisodes s'enchaînent pour préserver, jusqu'à la fin, le mystère. Cette structure fermée du récit de fait divers le fait appartenir de manière privilégiée à un numéro du journal. Le fait divers fait partie de ces catégories d'articles qui marquent l'autonomie d'un numéro par rapport à la collection, par rapport à l'écoulement du temps et donc par rapport au rythme de l'actualité...

Au-delà de la structure du récit, le fait divers bénéficie, au sein du journal, d'un traitement particulier pour sa mise en valeur. En particulier dans la presse populaire, il est généralement illustré : la photo accrédite sa réalité, l'authentifie. Le choix des titres vise à capter l'attention du public, mais, assez souvent, le titre en promet plus que la chronique n'en tient !

Défini comme le récit d'une transgression, soutenu par des structures stéréotypées qui lui confèrent son universalité, le fait divers remplit, vis-à-vis de ses lecteurs, une fonction psychosociale. Le fait divers sort le lecteur de la monotonie du quotidien, lui ouvre un espace de rêve où la transgression des contraintes normatives de la société devient possible, voire réelle. « La relation d'un fait divers met en jeu les affects inconscients de celui qui le lit. Cette implication rend le sens ambigu et son discours équivoque. Éminemment polysémique, elle ne livre pas un message clair et bien défini, mais se présente plutôt comme un champ ouvert où le lecteur serait invité à projeter ses propres fantasmes [...]. Le récit de fait divers entretient avec notre inconscient des relations qui reflètent notre propre ambivalence et jamais une seule lecture ne parvient à le cerner totalement. Il doit être lu entre les lignes, au-delà des mots. Il est un lieu d'exercice de l'imaginaire » (A. Monestier, 1982).

Le fait divers laisse donc entrevoir, à côté de la logique sociale, une « autre » réalité, « détraquée », illogique. L'ensemble des signes qui le constitue oscille entre une logique rationnelle et une logique subjective qui échappe au contrôle de la raison. Ce qu'il rapporte est le révélateur d'un arrière-monde, qui engendre l'angoisse. Ainsi perçu et répercuté, le fait divers peut être utilisé par l'individu comme exutoire à des réactions passionnelles. Confortablement installé dans son univers familier, il peut se laisser aller au plaisir de la transgression par procuration,[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences honoraire à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas, Institut français de presse

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