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RINGGOLD FAITH (1930-2024)

Inventer de nouvelles formes

À cette même époque, Ringgold sort de l’isolement et de l’anonymat. Elle participe à des expositions collectives (The Art of the American Negro, New York, 1966), rejoint la Spectrum Gallery dirigée par le poète Robert Newman et tisse des liens avec des artistes afro-américains tels que Romare Bearden ou Betty Blayton Taylor. Elle cofonde plusieurs collectifs de soutien aux artistes femmes. En écho au mouvement Black Power, elle réalise alors ses premières affiches politiques (America Free Angela, 1971) et la série de peintures « Black Light » (1967-1969), plus lumineuse et géométrique que les précédentes, qui célèbre la beauté de la culture afro-américaine.

En 1972, Faith Ringgold s’inspire des tankas tibétains pour créer ses premières peintures sur textile, en collaboration avec sa mère, couturière de formation, qui conçoit les encadrements ornementaux dans la tradition du quilt. Ainsi, la série « Slave Rape » (1972) met en scène, dans un registre décoratif et coloré, les violences subies par une jeune esclave, abordant de front l’esclavagisme et la domination masculine. Bientôt, elle ajoute dans les marges de ses compositions des textes de plus en plus étoffés. La série de huit quilts « The French Collection » (1991-1997) raconte ainsi en images et en mots les aventures d’une jeune artiste afro-américaine dans le Paris des années 1920 : elle propose une relecture fructueuse de la modernité, dans laquelle elle inclut des artistes, écrivains et intellectuels afro-américains (Rosa Parks, Elizabeth Catlett, Malcolm X, etc.). Elle réalise également des sculptures molles, influencées par l’art ancien et l’artisanat venus d’Afrique (série « Wilt », 1974). Elle imagine alors un vaste projet de spectacle-performance sur la condition noire, The Wake and Resurrection of the Bicentennial Negro (1975-1989), joué dans les universités américaines et qui associe sculpture molle, installation et mascarade, sur fond de chansons d’Ella Fitzgerald (« My Man ») ou d’Aretha Franklin (« Amazing Grace », « Mary, Don’t You Weep ») et d’extraits du discours de Martin Luther King, « I Have a Dream ».

Faith Ringgold est de surcroît l’auteure de nombreux livres pour enfants (Tar Beach, 1991), ainsi que d’une autobiographie (1995), et la commissaire d’expositions féministes (WhereWeAt: Black Women Artists, New York, 1971 ; The Wild Art Show, New York, 1982). La reconnaissance institutionnelle de cette œuvre majeure s’est faite progressivement, aux États-Unis à partir des années 1990, puis en Europe, avec une exposition importante à la Serpentine Gallery à Londres (2019) et une autre, la première en France, au musée Picasso-Paris (2023).

Faith Ringgold meurt le 13 avril 2024 à Englewood (New Jersey).

— Camille VIÉVILLE

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Écrit par

  • : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure

Classification

Média

Faith Ringgold - crédits : Melanie Burford/ Prime for The Washington Post/ Getty Images

Faith Ringgold