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FAMILLE Économie de la famille

Le concept de famille désigne des groupes d'individus différents selon les lieux et les époques. Les économistes, traditionnellement, s'intéressaient plutôt au « ménage », qui est défini, au sens statistique, comme l'ensemble des occupants d'une résidence principale, qu'ils aient ou non des liens de parenté. Même si, le plus souvent, ménage et famille coïncident, le recoupement n'est pas total, et le terme famille se veut plus général. Comme les sociologues ou les anthropologues, les économistes emploient donc aussi la notion de famille, qu'ils désignent ainsi une famille élargie, une famille nucléaire, une famille monoparentale ou encore recomposée.

Cela étant, pour considérer l'économie de la famille, il est sans doute moins important de définir précisément son champ et son objet que d'établir la légitimité de l'économie à retenir la famille comme objet d'étude. Les économistes peuvent-ils, avec leurs outils, apporter un regard, conduire des analyses, aboutir à des résultats qui complètent, ou parfois interrogent les travaux que peuvent mener dans le domaine de la famille les psychologues ou les sociologues ? La réponse à cette question est positive, en particulier depuis les travaux de Theodore Schultz (1973), et surtout ceux de Gary Becker.

Dans la Préface de l'édition de 1993 de son ouvrage fondateur A Treatise on the Family (1981), Becker insiste bien sur le fait que l'économie de la famille ne se limite pas à l'analyse des aspects matériels de la vie familiale, tels que les revenus et la consommation des ménages. Mais bien davantage, elle utilise les méthodes et les modèles développés dans le cadre des choix rationnels, comme la maximisation de l'utilité, ou encore l'analyse en termes de marchés, explicites ou implicites, pour les appliquer à l'analyse de la fécondité, du mariage et du divorce, ou encore à celle de la division du travail ou du pouvoir au sein des ménages.

Pour prendre un exemple qui sera développé ci-dessous, l'analyse de la baisse de la fécondité dans les pays développés est expliquée dans ce cadre analytique par l'augmentation de la valeur du temps, notamment des femmes, liée à celle des salaires réels, ainsi que par l'accroissement simultané de la « qualité » des enfants, c'est-à-dire de leur niveau d'éducation. Ces deux facteurs contribuent, dans cette perspective, à augmenter sensiblement le « coût des enfants ». Ces outils d'analyse de l'économiste que sont le coût ou la valeur, aussi surprenants soient-ils appliqués à des phénomènes ou à des décisions tels que le choix d'avoir des enfants, vont pourtant se révéler extrêmement pertinents dans l'explication des évolutions de la fécondité.

Bref historique

À travers le débat théorique sur l'accès des femmes au travail, qui s'anime au xixe siècle et au début du xxe, la question de la famille se trouve tantôt prise en compte, tantôt rejetée hors du champ en évolution de l'économie politique. Les prises de position des économistes quant au rôle de la famille et à l'intégration des femmes sur le marché du travail ne recoupent alors ni les clivages politiques, ni les affrontements méthodologiques (Le Bouteillec et Charles, 2002) : Alfred Marshall rejoignait les positions de Stanley Jevons et de Léon Walras, mais également celle des socialistes fabiens anglais pour demander des mesures restreignant le travail des femmes, alors que d'autres économistes libéraux, comme John Stuart Mill ou Paul Leroy-Baulieu, en France, soutenaient l'accès des femmes au marché du travail.

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William Stanley Jevons - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Classification

Médias

William Stanley Jevons - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

William Stanley Jevons

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