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FAMILLE Évolution contemporaine

La mise en question, par l'ethnologie, de l'universalité de nos structures de parenté traditionnelles, ainsi que la révolution introduite par la psychanalyse dans la compréhension de la sexualité sont deux facteurs qui influent largement sur la transformation des relations familiales. On se bornera ici à analyser l'impact de l'histoire immédiate et la radicalité du changement de perspective qu'entraîne la société de type industriel et urbain. Les conséquences de la relativité dans le domaine sexuel, telle qu'elle est révélée par l'actuelle évolution de la civilisation, rencontrent de grandes résistances psychologiques, mais elles s'imposent à l'observateur ; elles affectent directement la rencontre quotidienne de l'homme et de la femme ; elles obligent à comprendre d'une façon nouvelle la vie familiale et l'institution du mariage.

À leur tour, ces modes nouveaux de rencontre et la manière différente d'apprécier le poids et le sens des institutions affectent profondément l'ensemble des relations homme-femme. Non seulement les définitions du masculin et du féminin changent de signification, mais, du même coup, leur jonction, dans la vie quotidienne comme dans le mariage, ne peut plus rester la même. Une problématique nouvelle de la famille se dessine.

Du parental au conjugal

Deux caractéristiques liées entre elles permettent de synthétiser les principaux aspects des changements qui affectent la vie familiale : le rétrécissement de la famille au couple et à ses enfants, et la disparition de l'enracinement au sol que procurait la propriété foncière.

Jadis la grande famille hiérarchisée était le modèle et la norme. Sous l'autorité de son chef, ordinairement l'ancêtre, elle rassemblait les fils mariés, leurs femmes et leurs enfants ; l'accent était mis sur les liens de la lignée, la transmission des biens et des traditions : les valeurs étaient donc celles du passé. Aujourd'hui la famille tend à se réduire à un couple tourné vers l'avenir : un homme et une femme se rencontrent et décident de faire à deux leur histoire. Le couple et ses enfants constituent ce qu'on appelle parfois « la famille nucléaire ». Les liens du sang cèdent sans cesse davantage la place à ceux de l'amour. Le symbolisme de la maison ancestrale, réceptacle de traditions, lieu sacré où se renouvellent et se renforcent les liens parentaux, est de moins en moins perçu dans le tissu urbain. Avec la mobilité des sociétés modernes, la série d'appartements divers où les couples affrontent leur solitude n'est pas sublimée par l'évocation du passé ; plutôt qu'à la maison d'enfance, ils rêvent à celle qu'ils aménageront eux-mêmes dans un lieu de leur choix.

Pour comprendre un tel passage et ses conséquences sans prétendre en écrire l'histoire, il faut au moins évoquer les débuts du xixe siècle et mesurer l'impact de l'industrialisation sur les traditions et valeurs familiales qui n'ont cessé de s'effriter jusqu'à nos jours.

Les débuts de la révolution industrielle

Au moment même où, déjà ébranlée par la Révolution française, elle est remise en question, la famille de type patriarcal se trouve défendue et sa hiérarchie canonisée. Elle correspond aux époques où les principales forces de production sont l'agriculture et l'artisanat ; on peut la dire famille agraire. Les constructions conceptuelles de Louis de Bonald, dont l'influence fut grande, sont typiques de la nostalgie conservatrice. Le passé se mue en idéologie : les liens de la famille à la propriété foncière sont systématisés ; l'institution familiale, telle qu'elle apparaît dans les temps féodaux, est idéalisée pour être présentée comme une norme. Les conservateurs sont inquiets du péril de mort dont la menacent des innovations[...]

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Écrit par

  • : docteur en philosophie, professeur à l'institut d'études sociales de l'Institut catholique de Paris
  • : professeur des Universités, faculté des sciences sociales de la Sorbonne, directeur du Cerlis (C.N.R.S.-université de Paris-V)

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