FAMILLE Évolution contemporaine
Destin de la famille contemporaine
Marquée par la montée de l'individualisme mais toujours pourvoyeuse de solidarité, la famille est aujourd'hui considérée comme une institution en mutation. Autant que la multiplication des naissances hors mariage et la conversion du concubinage en mode de vie durable, l'affirmation des identités personnelles et la transformation des relations entre parents et enfant contribuent à dessiner un nouveau paysage familial. À la famille « traditionnelle », où les rôles étaient strictement codifiés, succède ainsi un espace privé dont les modes de régulation sont plus souples et plus ouverts.
Le flou de la vie privée
Depuis le milieu des années 1960, les familles en Europe ont connu des changements importants qui peuvent être énoncés sous forme de liste : moins de mariages, plus de divorces, plus de concubinage, plus de familles recomposées, plus de familles monoparentales, moins de familles nombreuses, plus de naissances hors mariage, plus de travail salarié des femmes. L'impression qui ressort de ces constats démographiques et statistiques est celle, avant tout, d'une augmentation de l'instabilité familiale, d'un certain éclatement de la famille considérée comme classique. Pour cette raison, Louis Roussel a accolé au mot « famille » l'adjectif « incertaine » afin de souligner que le modèle de référence avait disparu, engendrant une diversité de formes familiales.
Entre les années 1920 et 1960, un consensus social s'est mis en place, validant le modèle d'une famille, instituée par le mariage et le mariage d'amour, composée d'un homme et d'une femme qui se distinguaient nettement par leurs rôles, et d'enfants. C'était une institution vécue comme solide, centrée sur le bonheur de ses membres, la femme se dévouant pour que cet objectif soit réalisé, pendant que l'homme gagnait l'argent du ménage et symbolisait l'autorité nécessaire. Depuis le milieu de la décennie de 1960, les familles, ainsi que les valeurs qui sous-tendent leur formation, ont progressivement changé. L'amour, plus égalitaire, moins fusionnel, et le contrat ont déstabilisé l'institution ; cela a été inscrit dans la loi autorisant le divorce par consentement mutuel en 1975. Le développement de la scolarisation des filles, la maîtrise de la fécondité, le mouvement des femmes ont contribué à diminuer la puissance masculine au sein de la famille et la division du travail entre les conjoints : le passage de l'autorité paternelle à l'autorité parentale en 1970, la croissance du travail salarié des femmes, des mères notamment, en témoignent. Tout cela a rendu davantage possible la séparation entre les conjoints, les femmes disposant désormais de ressources sociales et économiques suffisantes pour le faire.
À ce niveau, la famille est devenue floue, notamment aux yeux des experts qui ont pour tâche de mesurer et de modéliser ; le mariage n'est plus fondateur de la famille, de nombreux jeunes ou moins jeunes cohabitent, se séparent sans que l'état civil enregistre de tels mouvements. L'entrée dans la vie conjugale s'est dissociée du mariage. Pour Jean-Claude Kaufmann, l'intégration du couple en tant que groupe dépend bien autant de l'achat d'une machine à laver, c'est-à-dire de l'élaboration d'une pratique mettant en commun le linge des deux partenaires (pratique par ailleurs inégale du point de vue de la charge de travail) que du mariage. La période entre le début et la fin de l'union tend à se raccourcir. La probabilité pour un individu de vivre plus d'une vie « commune » augmente fortement. L'impression de flou vient de ce que la régulation se fait de plus en plus selon des critères affectifs et de moins en moins selon des critères institutionnels. La création de nouveaux liens contractuels, comme le Pacte civil[...]
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Écrit par
- Abel JEANNIÈRE : docteur en philosophie, professeur à l'institut d'études sociales de l'Institut catholique de Paris
- François de SINGLY : professeur des Universités, faculté des sciences sociales de la Sorbonne, directeur du Cerlis (C.N.R.S.-université de Paris-V)
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