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FAMILLE Le droit de la famille

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Objet du droit de la famille

On affirme aujourd'hui volontiers que la vie familiale est la terre d'élection du « non-droit », car la nature des liens familiaux, comme liens biologiques et affectifs, serait réfractaire à l'idée de droit ; bien souvent, en effet, c'est par la renonciation au droit que les individus réalisent l'harmonie de leurs relations familiales. L'impuissance du droit à « faire la famille » et sa difficulté à imposer par la contrainte le respect de ses normes ne sauraient cependant conduire à l'anomie car la famille est trop importante pour la vie sociale pour que l'État se désintéresse de sa réglementation ; de plus, les litiges familiaux sont fréquents, car les rapports de force, ou d'intérêt, comme les dissentiments au sein de la famille ont un caractère parfois plus aigu qu'ailleurs et plus irréductiblement destructeur. Même réduit aux situations pathologiques, le droit, par ses règles et ses juges, assume une fonction essentielle.

L'objet du droit de la famille peut être appréhendé de différentes manières. Une vision générale supposerait un inventaire des dispositions qui, dans les différentes branches du système juridique, se préoccupent de la famille. Il est en effet un droit pénal de la famille destiné à sanctionner la violation des obligations considérées comme les plus fondamentales (abandon de famille, non représentation d'enfant...) ; on constate aujourd'hui une relative dépénalisation par suite de la suppression de certains délits (adultère, avortement), conséquence d'une modification des valeurs ou de l'inadaptation de la sanction pénale. Il est un droit social de la famille, en développement continu, destiné à assurer la contribution de la société aux charges de famille ; un droit fiscal de la famille, par suite du principe de l'imposition des revenus et, depuis peu, du capital par foyer et de la prise en considération des charges de famille. Il est un droit judiciaire de la famille, qui fixe des compétences juridictionnelles particulières (juge des tutelles, juge des enfants, juge aux affaires familiales) et qui établit des règles spéciales destinées à prendre en compte la spécificité du procès familial. Le fait familial s'impose souvent dans des domaines qui lui sont a priori étrangers : ainsi le droit de la responsabilité civile est directement influencé par le fait qu'un dommage subi par une personne est le plus souvent subi indirectement ou directement par les parents et alliés de la victime, lesquels peuvent sous certaines conditions en demander réparation.

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C'est cependant dans le droit civil que sont, en tant que telles, réglementées les relations familiales et c'est par référence au droit civil que les autres branches du droit régissent partiellement la vie en famille, même si les conceptions du droit fiscal ou du droit social infléchissent celles du droit civil ou définissent de façon autonome le concept de famille sur lequel elles s'appuient.

Constitution et dissolution des liens familiaux

La famille et par conséquent son droit sont construits sur deux données de nature mais aussi de culture : le mariage ou plus largement le couple, et la filiation, à partir desquels se créent les liens d'alliance et de parenté. L'établissement de ces liens, conformément aux règles juridiques, est essentiel en ce qu'il définit à la fois la forme ou la structure de la famille mais aussi l'état des personnes constaté dans les actes d'état-civil. Bien que leur objet soit distinct, création du lien conjugal d'un côté, du lien filial paternel ou maternel d'un autre côté, mariage et filiation ont été et demeurent étroitement liés en ce que la nature juridique de la filiation et la condition de l'enfant varient selon que ses père et mère sont ou non mariés entre eux. La preuve de la paternité notamment obéit à des règles différentes suivant que l'enfant a été conçu dans le mariage – la paternité du mari de la mère est alors en principe présumée –, ou hors le mariage des père et mère – l'enfant est alors naturel et doit être reconnu pour que sa filiation soit juridiquement établie. Le droit contemporain cependant a, dans une certaine mesure, dissocié mariage et filiation, en raison du fait que le bénéfice de la légitimité peut être admis au profit de l'enfant d'un célibataire (adoption plénière, légitimation judiciaire) et plus généralement par suite de l'égalité des droits de tous les enfants, quelle que soit la nature de leur filiation (art. 334 du Code civil).

Mariage et filiation reposent cependant sur des fondements différents et sont à l'origine de liens juridiques à certains égards opposés. Au lien électif et consensuel de l'union conjugale s'oppose le lien nécessaire et biologique de la filiation.

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Si la volonté n'est pas absente en matière de filiation, son rôle est limité par la nécessité humaine de rattacher l'enfant à ses auteurs afin que ceux-ci en assument la responsabilité éducative. C'est pourquoi il peut y avoir des filiations forcées résultant de jugements déclaratifs, lorsque les père ou mère n'ont pas voulu établir les preuves de la filiation, tandis qu'il n'est pas, au moins dans la plupart des sociétés modernes, de mariages forcés conclus contre le gré des futurs époux.

Le rôle du droit est encore plus manifeste lorsqu'il s'agit de détruire le lien familial. Il ne faut pas s'étonner que les règles relatives au divorce ou celles qui concernent la contestation du lien de filiation soient autrement plus nombreuses que celles qui gouvernent la création des liens familiaux ; car si l'on n'éprouve guère de besoin de droit pour s'unir, il faut en revanche beaucoup de droit pour se séparer. La même observation peut être faite quant aux relations familiales ; le droit n'apparaît véritablement premier que dans les situations de conflits qui, lorsqu'ils accèdent à la justice étatique, mettent le plus souvent en cause l'existence même de la famille.

Relations familiales personnelles

S'agissant des rapports purement personnels qui naissent de la vie en famille, le droit se montre nécessairement discret car il s'agit de liens affectifs et sentimentaux qui échappent par nature aux ordres de la loi et de devoirs dont l'exécution ne peut pas être acquise par la contrainte. De plus, le nécessaire respect de la vie privée et des libertés individuelles incite naturellement l'État à faire preuve de réserve. Cependant, l'utilité et la légitimité du droit sont plus ou moins grandes selon qu'il s'agit des relations entre époux ou entre parents et enfants.

Quant aux rapports conjugaux, force est de constater qu'ils relèvent plus des mœurs que du droit, car il n'est pas d'usage que les époux unis entre eux vivent « juridiquement ». La loi se contente donc d'énoncer les devoirs mutuels des époux et les principes que la société propose en modèle : hier hiérarchie et supériorité maritale, aujourd'hui égalité et association. L'utilité de ces règles, outre leur valeur symbolique qui n'est pas négligeable, est essentiellement de fixer les responsabilités en cas de divorce, car le droit du divorce s'induit d'une conception du mariage.

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Quant aux relations parents-enfants, le droit doit se montrer plus précis, non seulement en raison de l'intérêt social qui s'attache à l'éducation et à l'entretien de l'enfant, mais aussi parce que le gouvernement de la personne de l'enfant et sa représentation en tant qu'individu privé de la capacité juridique concernent à la fois les deux parents et l'enfant, et intéressent également les tiers, personnes privées ou publiques avec lesquelles l'enfant entre en relation. C'est pourquoi la loi civile, qu'il faut compléter d'une réglementation administrative et sociale, définit précisément ce qu'il faut entendre par «  autorité parentale », terme substitué en 1970 à celui de « puissance paternelle ». À cet égard, le droit éprouve deux difficultés essentielles qui sont autant de situations de crise : fixer, d'une part, les modalités des relations personnelles de l'enfant avec des père et mère désunis, ce qui a conduit à imaginer des modes de délégation ou de partage de l'autorité parentale au bénéfice de tiers (parentalité), et, d'autre part, le degré d'autonomie personnelle du mineur adolescent.

Plus généralement, la matière est nécessairement subordonnée à des principes philosophiques et politiques selon l'orientation que l'État entend donner à la jeunesse. Selon que règne un principe libéral laissant à la famille la liberté d'éducation ou un principe plus idéologique et directif, la mission de la famille et la conception des relations famille-État auront un visage bien différent.

La responsabilité de la famille ne peut être écartée, ne serait-ce que sur un plan pécuniaire, car il faut bien subvenir aux besoins matériels de l'enfant.

Relations familiales patrimoniales

Les problèmes pécuniaires occupent une grande place dans le droit familial, non seulement parce que le droit et la sanction juridiques s'exercent plus aisément sur les biens que sur les personnes, mais surtout parce que la fonction de solidarité entre les membres d'une même famille se manifeste essentiellement sur le plan matériel. La famille n'étant pas une personne morale, elle n'a point de patrimoine propre distinct du patrimoine de ses membres ; l'objet du droit patrimonial de la famille est donc de mettre en œuvre une communauté d'intérêts pécuniaires qui ne peut que limiter les droits subjectifs individuels.

Le droit patrimonial de la famille poursuit un triple objectif : il s'agit en premier lieu de déterminer les débiteurs, les créanciers et le mode d'évaluation des obligations alimentaires destinées à assurer le minimum vital à ceux qui manquent des ressources nécessaires (enfants, conjoint, ascendants âgés...) et qui doivent pouvoir compter sur l'entraide des parents ou alliés mieux pourvus. Cette obligation alimentaire ne pèse plus sur la seule famille, car la société tout entière y coopère au moyen d'une politique sociale de redistribution des revenus.

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Le deuxième objectif est d'organiser le patrimoine, sa propriété et sa gestion, de manière que soient satisfaits l'intérêt collectif de la famille et l'intérêt individuel de ses membres. Cette fonction est poursuivie par le droit des régimes matrimoniaux qui forment le statut patrimonial du couple marié. Elle l'est aussi lorsqu'il s'agit de gérer les biens d'un incapable (mineur ou majeur), gestion qui, sous le contrôle du juge des tutelles, demeure une obligation familiale.

Le troisième objectif est d'assurer la transmission du patrimoine au sein de la famille par suite du décès de son titulaire. C'est l'objet du droit des successions, qui garantit la solidarité entre les générations et le maintien des biens ou de leur valeur au sein de la famille. La matière est complexe, technique et politique, affective et économique, et son évolution législative comme sa pratique sont en mouvement constant. Au droit successoral se mêle le droit des libéralités (donations et testaments).

On affirme souvent une certaine décadence du rôle du patrimoine dans la vie familiale lors du mariage ou de la mort. Si les sources de revenus se sont modifiées, si la solidarité entre générations se manifeste différemment et de façon plus occulte – la dot disparaît mais non les services et les dons des parents aux jeunes couples –, si la démographie et l'allongement de la vie humaine modifient la sociologie des successions, il n'en demeure pas moins que la famille est toujours ressentie et vécue, malgré l'autonomie croissante des individus, comme une source irremplaçable de revenus et de capitaux personnalisés par leur origine, et comme une unité de consommation et parfois même de production.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, agrégée de droit privé
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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