FAMILLE Le statut de l'enfant dans la famille contemporaine
L'enfance oubliée ?
Une des erreurs d'interprétation les plus fréquentes est la suivante : l'enfant est traité comme un « grand » puisqu'il a des droits en partie comparables à ceux des adultes, et qu'il a un certain pouvoir sur son monde. De cette observation juste est tirée la conclusion que l'enfant est maltraité, négligé. Si « l'enfance [est] oubliée » (L. Roussel, 2001), c'est parce qu'il serait roi. En effet, un enfant devrait rester à sa place, celle de « petit » ; en lui donnant une place de « grand », on néglige sa véritable identité. On le traite donc mal. Il faut lui redonner sa vraie taille, « petite », et ainsi lui apprendre les qualités propres à cette taille, l'obéissance. Les parents doivent reprendre le pouvoir, dessiner des limites, et ne plus céder aux enfants. Pour ce sociologue, la nouvelle éducation conduit à d'horribles méfaits : « les enfants sont « gâtés » et c'est là sans doute la plus dangereuse des pollutions ». Ces jeunes ne deviendraient jamais adultes. La société occidentale serait « adolescentrique ». La nouvelle éducation mènerait à une impasse, puisque les enfants seraient trop grands et les adultes, trop petits, refusant de grandir (M. Giral, 2002 ; A. Fourgnaud, 1999).
Cette conception refuse de prendre en compte le processus d'autonomisation progressive des enfants, et la variation de taille. Elle confond le fait d'avoir un monde à soi – et d'avoir contribué à le construire – avec le fait d'être adulte. Et elle oublie aussi que les gains d'autonomie masquent certaines pertes d'indépendance. Ainsi, en Angleterre, en 1970, les enfants de sept-huit ans allaient presque tous à l'école seuls (80 p. 100), sans leurs parents ; vingt ans plus tard, ils ne sont plus qu'une minorité (9 p. 100) à avoir cette possibilité (S. Jackson, S. Scott, 1999). Ainsi, l'allongement de la jeunesse s'est généralisé en Europe, du fait du prolongement de la scolarité et des difficultés de trouver un emploi stable, de telle sorte que les enfants restent dépendants plus longtemps de leurs parents (O. Galland, 1995). L'enfance contemporaine, rappelons-le, se caractérise surtout par une autonomie plus grande, sans que celle-ci se traduise par un allègement de la dépendance vis-à-vis des parents. Trop souvent, cette disjonction n'étant pas aperçue du fait du flou conceptuel, la vision alarmiste prend la croissance de l'autonomie pour un oubli, une négligence de l'enfance.
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Écrit par
- François de SINGLY : professeur des Universités, faculté des sciences sociales de la Sorbonne, directeur du Cerlis (C.N.R.S.-université de Paris-V)
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