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FAMILLE Les enjeux de la parentalité

Mutations de l'organisation familiale

Dans les sociétés traditionnelles, le mariage avait comme but l'alliance de clans, et l'échange de femmes constituait un élément essentiel de cette forme anthropologique de commerce. L'avis des partenaires n'était nullement pris en considération ; il s'agissait d'abord d'assurer la conservation du patrimoine et la continuité de la lignée. Ces fonctions économique et procréatrice articulaient un modèle du mariage qui, ne présupposant aucunement une affection réciproque, était dès lors régi par une stricte distribution des rôles en vertu de laquelle la femme était soumise à l'autorité incontestable de l'homme. Alors qu'en Occident l'organisation familiale va se structurer progressivement autour du mariage individuel et monogame d'autres civilisations ont continué à le concevoir comme un pacte clanique. Ainsi, dans la majorité des sociétés traditionnelles de type patrilinéaire, l'échange de sœurs d'un groupe d'hommes avec un autre groupe d'hommes organise le commerce marital. Dans les sociétés matrilinéaires, l'homme a une fonction reproductrice et la paternité, purement symbolique, est assumée souvent par le frère de la mère. Les travaux d'Evans-Pritchard publiés dans les années 1970 montrent que dans la société matrilinéaire des Azande les hommes, même mariés par ailleurs à des femmes, avaient coutume de prendre pour époux de jeunes garçons (contre versement d'une dot aux parents) pour les accompagner et les servir en tout dans leurs expéditions de guerre.

Le mariage romain et ses suites médiévales

À l'origine du droit occidental, le mariage romain organisait, sous la puissance du pater familias, la société autour du citoyen, de l'homme libre. Bien que régie par le droit privé, l'alliance matrimoniale est aussi une affaire publique : elle instaure, en effet, un modèle d'unité sociale fondé sur la domination des femmes. Diverses formes de conjugalité ont coexisté à Rome. L'union légitime originelle était le mariage cum manu (« avec main », la soumission de la femme passant de la main du père à celle du mari) ; ce mariage connaissait trois modalités : par cérémonie rituel, par contrat, par l'usage après un an de cohabitation – confarreatio, coemptio, usus). À côté de cette union traditionnelle s'est développé à l'époque républicaine puis généralisé sous l'empire le mariage sine manu, où la femme restait sous l'emprise de son père et devenait donc libre à la mort de celui-ci. La relation stable (more uxorio, « comme mari et femme »), le concubinage (concubinatus, l'homme restant par ailleurs marié) et le contubernium (littéralement « tente commune », union de fait entre esclaves) offraient d'autres formes plus au moins éloignées de la formalité du mariage légitime, et permettaient l'établissement de liens conjugaux aux personnes dépourvues de la citoyenneté. La nécessité de ces différents degrés de conjugalité s'est maintenue pendant tout le haut Moyen Âge du fait de la persistance de l'esclavage. Il faut ainsi attendre 1095 pour qu'une novelle (loi) de l'empereur byzantin Alexis Ier Comnène mette fin au contubernium qui régissait encore la conjugalité servile. Au siècle suivant, en Occident, la décrétale Dignum est du pape Adrien IV (1154-1159) reconnaît, à l'encontre du droit féodal dominant, le droit des serfs à contracter mariage de leur propre chef, sans le consentement de leur seigneur. Le droit canonique voit alors l'essence du mariage dans l'échange des consentements entre époux devant témoins, non dans un rituel.

Imprégné de droit coutumier, le Moyen Âge connaît une autre forme de mariage très répandue : le mariage par « cohabitation et réputation », où la constatation[...]

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Écrit par

  • : professeur de droit privé à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, chercheur associé au C.N.R.S., Centre d'études et de recherches de sciences administratives et politiques, université de Paris-II-Panthéon-Assas

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