FAMILLE Les enjeux de la parentalité
La vérité biologique dans la filiation
En France, la prééminence de la volonté et l'admission de la preuve biologique uniquement en cas de litige semblaient des principes acquis, jusqu'au jour où les homosexuels se sont mis à revendiquer une filiation parentale monosexuée.
Principe d'hétérosexualité
Lorsque des couples de même sexe ont souhaité devenir des parents à part entière (accès aux différentes formes de filiation), de nouvelles normes sont venues progressivement introduire l'exigence d'hétérosexualité pour l'instauration d'un lien de filiation. Tout se passe comme si la logique modernisatrice, sur le point d'intégrer les familles homoparentales, cherchait à éluder cette évolution en restaurant une logique biologisante. En 1988, le Sénat rend le rapport Braibant, dans lequel il est pour la première fois question « d'affirmation de la valeur des structures naturelles de la parenté ». La loi de bioéthique de 1994 définit juridiquement pour la première fois le couple comme l'union d'un homme et d'une femme. Et c'est dans un arrêt de 1994 que le Conseil d'État souligne pour la première fois l'absence « d'image paternelle » dans le cas d'une adoption par un célibataire, alors même qu'un tel référent n'est pas exigé par la loi (18 février 1994, Mme Francous). Au « désordre démocratique » qui menacerait la famille, justice et législateur semblent ainsi avoir voulu opposer, dans la définition de la filiation, un « ordre naturel ». Sans doute la question n'est-elle pas tranchée définitivement. Dans un avis du 25 janvier 2006, le Comité national d'éthique proposait d'élargir l'adoption plénière aux couples de même sexe. Pour les élections de 2012, tous les partis de gauche proposaient le droit au mariage pour les couples de même sexe et la reconnaissance de l'homoparentalité, par A.M.P. comme par adoption. Conformément à ces engagements, la loi Taubira du 17 mai 2013 réforma le droit du mariage : la France comptait ainsi parmi le petit groupe d’États européens – une dizaine au moment du vote de la nouvelle loi – qui ont supprimé l’exigence d’hétérosexualité pour le droit au mariage.
Dans l'état actuel du droit, pour les homosexuels hommes ou femmes qui ont engendré un enfant par les moyens naturels (ou par insémination artisanale, même si elle est illégale en France) la question de l'établissement de la filiation ne se pose pas : la personne est père ou mère de l'enfant et à ce titre il ou elle exerce l' autorité parentale. Concernant le compagnon ou la compagne d'une mère ou d'un père homosexuel, toutes les forces politiques sont d'accord sur la nécessité de trouver une solution juridique adéquate (statut de co-parent, par exemple), et les tribunaux ont admis le transfert de l'autorité parentale à la compagne d'une mère lesbienne.
Si certaines fonctions parentales ont ainsi été reconnues individuellement à des homosexuels, le statut de parents à part entière est toujours refusé aux couples homosexuels : pas d'adoption pour les couples pacsés, pas d'accès à l'A.M.P., pas d'adoption plénière de l'enfant du conjoint, pas de présomption de paternité, pas d'accès aux maternités de substitution... Or, comme nous l'avons montré, le modèle civiliste, en octroyant un rôle majeur à la volonté au détriment du sang, peut parfaitement fonctionner pour les couples de même sexe. En effet, il permet de masquer l'identité des géniteurs (accouchement sous X, donneur anonyme, adoption plénière...), et fait la plus large place aux modes de reconnaissance volontaire de filiation : par présomption de paternité lors de la déclaration de naissance, ultérieurement par acte de reconnaissance de paternité, ou encore par voie judiciaire pour celui ou celle qui s'est comporté comme parent[...]
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Écrit par
- Daniel BORRILLO : professeur de droit privé à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, chercheur associé au C.N.R.S., Centre d'études et de recherches de sciences administratives et politiques, université de Paris-II-Panthéon-Assas
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