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FAMILLE Les sociétés humaines et la famille

Les lois et principes de l'alliance et de la famille

De façon apparemment paradoxale, nous conclurons, de ce qui précède, que la famille est bien un donné universel, en ce sens seulement qu'il n'existe aucune société qui soit dépourvue d'une institution remplissant partout une ou plusieurs des mêmes fonctions (unité économique de production et de consommation, lieu privilégié de l'exercice de la sexualité entre partenaires autorisés, lieu de la reproduction biologique, de l'élevage et de la socialisation des enfants) et obéissant partout aux mêmes lois : existence d'un statut matrimonial légal autorisant l'exercice de la sexualité entre deux des membres de la famille au moins (ou prévoyant les moyens d'y suppléer), prohibition de l'inceste (car les partenaires autorisés ne sont jamais les consanguins), division du travail selon les sexes. Cependant, même si le mode conjugal monogame, avec la résidence commune des conjoints, est le plus répandu, l'extrême variété des règles qui concourent à l'établissement de la famille, à sa composition et à sa survie démontre qu'elle n'est pas, sous ses modalités particulières, un fait de nature, mais au contraire un phénomène hautement artificiel, construit, un phénomène culturel.

De la nature à la culture

Mais, alors, pourquoi la famille existe-t-elle ? Quel propos sert-elle pour être universelle, quelle que soit la forme sous laquelle l'ont instituée les multiples sociétés du monde, actuelles ou passées ? La réponse à ces interrogations passe par la réponse à une question plus générale, celle de la raison d'être des lois que l'on trouve associées à l'établissement de la famille : la forme légale du mariage, la prohibition de l'inceste, la répartition sexuelle des tâches. On ne peut prétendre non plus que ces lois soient fondées sur des exigences naturelles : ainsi, la qualité des consanguins interdits par la prohibition de l'inceste est extrêmement variable selon les sociétés ; quant aux tâches, celles qui paraissent les plus féminines ici (la couture, par exemple, prise dans son sens ordinaire, et non pas comme création de mode) peuvent être les plus masculines d'ailleurs (ce sont les hommes qui taillent les vêtements et les cousent dans les pays d'Afrique occidentale). Mais ce qui compte et pose un problème – bien que ces lois ne soient pas fondées « en nature », c'est-à-dire strictement sur des réalités d'ordre physiologique –, c'est l'universalité de leur application.

Toutes les sociétés établissent une différence entre un type d'union légale, sanctionnée juridiquement d'une manière ou d'une autre, c'est-à-dire le mariage et des rapports sexuels occasionnels, qu'ils soient admis ou même prescrits avant le mariage, tolérés ou condamnés après – ou, même entre le mariage et le concubinage, union stable mais d'une autre nature que le mariage. Il n'y a, de façon évidente, aucune raison biologique pour justifier cette différence. La seule relation nécessaire, qui entraîne des rapports de longue durée entre deux individus, est la maternité, c'est-à-dire le couple formé par la mère et l'enfant (et encore, on a vu que ce peut être parfois, après le sevrage, un couple d'adoption). On trouve chez les primates, les chimpanzés surtout, ces unités matricentrées, qui regroupent non seulement une mère et un enfant, mais une mère et ses enfants, dans la mesure où il faut de sept à douze ans pour que les jeunes parviennent à la maturité, à l'autonomie sexuelle et à l'autonomie de subsistance (K. Gough, 1975 ; V. Reynolds ; M. Sahlins). La présence du père, d'un homme, aux côtés de la mère et de l'enfant, l'affection du père pour sa progéniture ne sont pas des faits de nature, pas plus que l'obligation d'un commerce sexuel constant entre partenaires associés à vie.[...]

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