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FANTAISIE, musique

Sous son acception la plus générale, le terme de fantaisie désigne en musique une pièce instrumentale de forme assez libre et proche de l'improvisation, mais non sans rapports avec des formes plus strictes déjà en usage. Concrètement, la fantaisie évolue entre ces deux pôles : la liberté, ou plutôt l'anormal (ni l'un ni l'autre ne voulant dire anarchie), d'une part, la rigueur, d'autre part.

En Italie au xvie siècle, elle s'identifie avec le ricercare, de style contrapuntique. Elle s'épanouit dans l'Angleterre élisabéthaine sous le nom de fancy et sous forme de pièces pour violes, d'écriture imitative et fuguée, aux thèmes parfois populaires, et agrémentées d'épisodes variés alternant avec ceux en contrepoint. On la retrouve en Italie (Frescobaldi), en France (Eustache Du Caurroy, Louis Couperin, Marin Marais).

Au xviiie siècle, Bach traite le genre sans le moindre esprit de système : il s'appuie soit sur un thème unique (Fantaisie en ut mineur pour orgue) soit sur deux thèmes (Fantaisie en sol mineur pour orgue), allant même jusqu'à substituer la fantaisie au prélude dans sa Fantaisie chromatique et fugue en ré mineur pour clavecin. Mozart, avec sa Fantaisie en ut mineur pour piano (K. 475), et Haydn, avec les mouvements lents de ses Quatuors, op. 54, no 2, et op. 76, no 6, écrivent des pages d'une profonde cohérence mais échappant à certains des critères habituels du style sonate ; il en va de même de Beethoven dans le premier mouvement de sa Sonate, op. 27, no 2 (cela sans parler de sa Fantaisie pour piano, op. 77, ni de celle pour piano, orchestre et chœurs, op. 80).

Au xixe siècle, le terme devient de plus en plus arbitraire, et il désigne aussi bien des variations libres qu'une sonate en principe irrégulière. Très significative est la Fantaisie, op. 17, de Schumann, qui dans cet hommage à Beethoven se garde bien d'avoir recours au cadre extérieur et même aux principes de la sonate, en prend plutôt le contre-pied et, ce faisant, crée un véritable chef-d'œuvre. Liszt, en revanche, et c'est tout aussi significatif, ne songera pas à appeler « fantaisie » sa Sonate en si mineur, ni Schönberg sa Symphonie de chambre, op. 9, ni Sibelius sa Symphonie no 7, pourtant œuvres en un seul mouvement. On peut encore citer les Fantaisies sur des motifs d'opéras de Liszt, la Fantaisie pour piano et orchestre de Debussy, la Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis de Vaughan Williams, la Fantaisie pour piano et violon de Schönberg. C'est dans la littérature d'orgue (Liszt, Franck, Reger) que le genre est resté le plus fidèle à l'ancienne tradition.

— Marc VIGNAL

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