FANTASTIQUE
Le fantastique dans l'art
L'exclusion du réel
Le domaine de l'art fantastique, de prime abord, semble indéfiniment extensible. Dans les ouvrages qui lui sont consacrés, figurent aussi bien des chapiteaux romans et gothiques, des monnaies grecques et gauloises, des sculptures primitives, archaïques ou naïves, des symboles astrologiques ou alchimiques.
Parfois, la part de l'ethnographie est prépondérante (avec des objets, des motifs, des masques provenant de la Nouvelle-Guinée, du Mexique, du Bénin, du Kafiristan, de l'Afrique occidentale, etc.). D'autres fois, des tapisseries médiévales voisinent avec des miniatures orientales, avec des images d'Épinal, des cartes postales, des peintures d'aliénés et des illustrations d'œuvres littéraires.
Dans ces conditions, il devient évident que le sens du terme « fantastique » est purement négatif : il désigne tout ce qui, d'une manière ou d'une autre, s'éloigne de la reproduction photographique du réel, c'est-à-dire toute fantaisie, toute stylisation et, il va de soi, l' imaginaire dans son ensemble. Pour la littérature, l'application du même principe, qui consiste à se garder de partir d'une définition préalable, conduirait à rassembler dans une anthologie fantastique, pêle-mêle, l'Apocalypse de saint Jean et les Fables de La Fontaine (puisque les animaux y parlent), un conte d'Edgar Poe et Gargantua, un procès-verbal de l'Institut métapsychique, un récit de science-fiction, un extrait de l'Histoire naturelle de Pline, en un mot tout texte qui s'écarte de la réalité, volontairement ou non, à quelque titre que ce soit.
La démarche est parfaitement défendable, mais l'ampleur de son libéralisme risque d'appauvrir à l'extrême une notion qui se révèle couvrir un monde immense, hétéroclite. Aucun autre moyen de renseigner sur elle ne subsiste que de préciser ce qu'elle excepte et qui est peu, à savoir la représentation fidèle et adroite des choses et des êtres familiers, car la gaucherie est souvent à son tour estimée source de fantastique.
Il est cependant d'usage de réduire l'art fantastique aux arts plastiques, en particulier à la peinture, et plus particulièrement encore aux œuvres des artistes qui manifestent une volonté délibérée de représenter un monde irréel. Ce répertoire du fantastique pictural essentiel comprend généralement des Italiens : surtout Bracelli et Bellini ; des Allemands ou apparentés : Dürer, Grünewald, Schongauer, Baldung Grien, Cranach, Urs Graf, Altdorfer, Nicolas Manuel Deutsch ; des Flamands : Bosch et Bruegel ; des isolés : Monsu Desiderio, Arcimboldo, Goya, Blake ; quelques peintres de l'époque symboliste : Gustave Moreau et Odilon Redon ; enfin, après le douanier Rousseau et Marc Chagall, l'épanouissement surréaliste ou surréalisant avec Dali, Max Ernst, Chirico, Léonor Fini, Delvaux, Magritte, de nombreux autres. Avec Callot, Antoine Caron et Piranèse, d'une part ; avec Munch, Füssli et Fuchs, de l'autre, voici accompli le tour des œuvres qui semblent s'imposer, quels que soient les goûts et les critères personnels des enquêteurs. Il faut bien avouer que ce catalogue, quoique étrangement étroit, demeure fort disparate et qu'il réunit, lui aussi, des œuvres éminemment hétérogènes, que rassemble seulement ce qu'elles excluent : le réalisme.
Le fantastique déclaré : jeu et système
Ainsi, les tableaux d'Arcimboldo (xvie siècle) frappent par leur apparence délirante. Il est sans doute d'une aimable fantaisie d'assembler savamment des fleurs, des fruits et des poissons, de façon à faire surgir à la fin des visages ou des personnages composés uniquement d'éléments appartenant à une même série. Mais qui n'aperçoit qu'il ne s'agit là que d'un jeu, que d'une gageure ? Plus tard, on s'est diverti[...]
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Écrit par
- Roger CAILLOIS : homme de lettres
- Éric DUFOUR : professeur des Universités, université Paris-Diderot
- Jean-Claude ROMER : journaliste, conseiller en recherches cinématographiques, historien du cinéma fantastique
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Médias
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