FANTASTIQUE
Le fantastique au cinéma
Longtemps dédaigné, parce que longtemps méconnu des historiens et de la critique, sinon des spectateurs eux-mêmes – ce qui peut sembler paradoxal pour un genre aussi ancien et populaire –, le fantastique cinématographique, après avoir conquis ses lettres de noblesse, se voit enfin reconnaître, au même titre que le western, le burlesque ou la comédie musicale, autrefois également qualifiés de genres mineurs, le droit à se réclamer du septième art.
D'une façon générale, le terme de fantastique, au cinéma, est une étiquette vague et commode, aussi imprécise que la définition du dictionnaire (fantastique : créé par la fantaisie, l'imagination ; l'extraordinaire, le surnaturel, etc.) qui sert à désigner des œuvres très diverses et parfois même inclassables. D'autre part, il est fréquemment convenu d'opposer réalisme et fantastique, mais bien habile celui qui pourrait dire où s'arrête le réel et où commence le fantastique. Suggérons tout de même une définition : on peut parler de fantastique lorsque, dans le monde du réel, on se trouve en présence de phénomènes incompatibles avec les lois dites « naturelles ».
Les grandes étapes
Georges Méliès, le « magicien de Montreuil »
Georges Méliès (1861-1938), le premier, fit d'un simple procédé de reproduction tel que le concevait Louis Lumière un véritable moyen d'expression. Il est le créateur du spectacle cinématographique. L'univers magique et enchanté de Méliès, ce sont ces courtes bandes auxquelles la candeur poétique alliée à la merveilleuse richesse d'invention confère, encore aujourd'hui, tant d'attraits, notamment : Le Manoir du Diable (1896), Le Voyage dans la Lune (1902), Le Voyage à travers l'impossible (1904).
L'expressionnisme allemand (1916-1926)
Au fantastique aimable et bon enfant de Méliès s'oppose, de 1916 à 1926 environ , l'expressionnisme allemand, avec ses jeux d'ombres et de lumières, ses décors étranges et déformés traversés par des personnages tourmentés et excessifs : Homunculus, d' Otto Rippert (1916), l'androïde fabriqué de toutes pièces, accablé par sa solitude et cherchant, en vain, à dissimuler sa monstrueuse origine ; Le Cabinet du docteur Caligari(Robert Wiene, 1919), où Conrad Veidt, somnambule halluciné, parcourt des toits obliques ; Le Golem de Paul Wegener et Henrik Galeen (1914), d'après le roman célèbre de Gustav Meyrink ; Nosferatude F. W. Murnau (1922) ; Mabuse le Joueur (1922) et Les Nibelungen (1923) de Fritz Lang ; Hārūn al-Rachīd, Ivan le Terrible et Jack l'Éventreur, tous réunis dans Le Cabinet des figures de cire de Paul Leni (1924) ; L'Étudiant de Prague de Henrik Galeen (1926), etc. : « Pour l'âme torturée de l'Allemagne contemporaine, ces films emplis d'évocations funèbres, d'horreurs, d'une atmosphère de cauchemar, semblaient le reflet de sa grimaçante image et tenaient lieu, en quelque sorte, d'exutoire » (Lotte H. Eisner). Les nombreux techniciens allemands émigrés aux États-Unis au commencement du cinéma parlant sauront se souvenir de la leçon de l'expressionnisme.
L'âge d'or du film fantastique américain (1931-1939)
De 1931 à 1939, aux États-Unis, c'est véritablement l'âge d'or du cinéma fantastique. On y assiste à l'avènement des grands mythes inspirés des classiques de la littérature de l'étrange et de l'effroi.
Dracula, réalisé par Tod Browning et présenté le 14 février 1931 aux États-Unis, est le premier film sonore d'épouvante. Adapté de l'œuvre de Bram Stoker qui avait inspiré Nosferatu, le Dracula de Browning avait pour opérateur Karl Freund, déjà responsable de la photographie de Metropolis(Fritz Lang), et trouvait en Bela Lugosi l'interprète idéal du comte Dracula,[...]
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Écrit par
- Roger CAILLOIS : homme de lettres
- Éric DUFOUR : professeur des Universités, université Paris-Diderot
- Jean-Claude ROMER : journaliste, conseiller en recherches cinématographiques, historien du cinéma fantastique
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