FĀṬIMA (VIIe s.)
Fille que Muḥammad eut de sa première femme Khadidja, Fāṭima épousa ‘Alī b. Abī Ṭālib, cousin du Prophète ; de leur union naquirent deux fils, Hasan et Ḥusayn. Il est difficile de se faire une idée de ce que fut réellement Fāṭima. Peut-on conclure de son effacement, c'est-à-dire du peu de renseignements que l'histoire a conservés à son sujet, qu'elle était une femme médiocre et de peu d'intérêt ? Ou doit-on penser que la vénération dont elle est l'objet de la part des musulmans, même non shī‘ites, témoigne de qualités spirituelles qui ont touché les âmes religieuses ? Il est difficile de trancher.
On sait qu'elle pleura beaucoup sa mère et qu'elle s'attacha profondément à son père, qui semble l'avoir entourée d'une affection pleine de sollicitude. Aimait-elle ‘Alī ? Elle fut sans doute la première femme en Islam dont le « silence » fut considéré comme un consentement au mariage. On sait qu'il y eut quelques nuages entre les époux, surtout quand il fut question à deux reprises qu'‘Alī prît une seconde femme. Le Prophète choisit, en cette occasion, le parti de sa fille et dit : « Fāṭima est une partie de moi-même ; celui qui l'offense m'offense. » Ce ḥadīth devait être souvent allégué en islam shī‘ite, où il recevait une signification gnostique. C'est de toute façon cette Fāṭima idéale qui est la plus intéressante.
Un verset coranique (xxxiii, 33), qui parle des « gens de la Maison » al-Bayt), et un ḥadīth, où il est question de « gens que le Prophète avait recouverts de son manteau » (ahl al-Kisā'), sont à la base de toutes les spéculations politiques et ésotériques développées dans le shī‘isme autour de la famille du Prophète, laquelle comprend en tout cinq personnes : Muḥammad, Fāṭima, ‘Alī, Ḥasan et Ḥusayn. Ce nombre cinq, objet de considérations arithmologiques, a fini par désigner cinq entités prééternelles, principes intelligibles directeurs de la création de l'Univers. Ainsi les événements de la vie de Fāṭima, comme des autres membres de la famille, deviennent les manifestations temporelles et visibles de réalités et de valeurs suprasensibles. De nombreux ḥadīth furent forgés en ce sens. Fāṭima entre dans un vaste système de cosmologie gnostique, où sa signification d'archétype éclipse sa réalité historique. Elle représente la Femme éternelle, « mère de son père », l'éternel féminin de Goethe, auquel est suspendu le salut de l'humanité et même du monde entier, par la vertu du pur amour.
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Écrit par
- Roger ARNALDEZ : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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