FĀṬIMIDES
Les Fāṭimides, dynastie de califes shi‘ites descendant de Fāṭima, fille du prophète Mahomet, règnent en Afrique du Nord (de 910 à 969), puis en Égypte (de 969 à 1171).
C'est une curieuse histoire que celle de ces monarques qui, portés au pouvoir par la propagande révolutionnaire des Ḳarmates isma‘īliens, consolident leur puissance par la plus intransigeante des dictatures, califienne ou vizirielle. Partis de la Tunisie, ils font reconnaître leur autorité dans le Maghreb entier et la Sicile, s'installent définitivement sur le territoire égyptien, conquièrent la Syrie, reçoivent l'hommage de La Mecque et de Médine, et vont jusqu'à Bagdad. Cent cinquante ans après, le dernier Fāṭimide était à peine obéi dans son propre palais. Durant ce temps, la Syrie devient un champ clos où les divers partis se livrent des luttes acharnées, surveillés par les Byzantins, qui parviennent un instant jusqu'à Baalbek et Tripoli, plus tard par les croisés, et enfin par les Saldjūḳides qui gouvernent Damas.
Sur le plan artistique, le règne des Fāṭimides fut une période brillante. L'originalité de leurs œuvres tient essentiellement à l'emploi de représentations figurées.
Établissement de la dynastie
Le centre de la propagande des Fāṭimides se trouva d'abord en Syrie du Nord, à Salamiyya, d'où des missionnaires éloquents et persuasifs parcoururent presque toutes les régions de l'Islam. L'un d'eux, particulièrement actif, Aḅū ‘Abd Allāh al-Shī‘ī, prêcha en Afrique du Nord, en s'appuyant sur une tribu berbère, les Kutāma. Mais cette contrée était loin d'être pacifiée, et l'on trouvait toujours un groupe tribal prêt à organiser l'opposition contre le pouvoir établi. Ce fut le rôle des Zenāta, soulevés par un agitateur surnommé l'« homme à l'âne ». La révolte s'étendit de telle façon que le calife fāṭimide fut réduit à la possession du port de Mahdiyya.
Il fallait donc émigrer pour réaliser une ambition de domination universelle. À la suite de quelques tentatives d'invasion infructueuses, les Fāṭimides s'emparèrent de l'Égypte en 969. En fait, leur autorité directe ne s'exerça guère au-delà du territoire égyptien ; les régions comprises entre Le Caire et Bagdad furent partagées en deux zones d'influence, dont les frontières variaient sans cesse. Bagdad était alors soumise aux pressions les plus diverses, et les Fāṭimides ne possédèrent jamais une armée assez puissante pour faire prévaloir leur politique. L'histoire de la Syrie est d'une extrême complexité : dans les villes, les troupes maghrébines des Fāṭimides se heurtent à la résistance des populations, et dans les campagnes, doivent se déplacer constamment de Damas à Alep, de Tyr à la Palestine. L'épidémie de rébellions est générale, mais anarchique et dépourvue de coordination. À la fin du xie siècle, c'est l'irruption des croisés, à l'égard desquels les maîtres shi‘ites de l'Égypte eurent une attitude ambiguë.
L'occupation de l'Égypte marquait une rupture absolue avec les anciennes traditions, et les nouveaux gouvernants pouvaient redouter les réactions d'une population dont l'attachement au sunnisme était bafoué, les liens avec le pontife de Bagdad brusquement rompus. Aussi les Fāṭimides édifièrent-ils, pour leur cour et leurs services administratifs et militaires, une nouvelle ville, Le Caire (969), située au nord et à une certaine distance des faubourgs de celle de leurs prédécesseurs, préfets envoyés de Mésopotamie. Cette cité fut entourée, cent ans plus tard, d'une solide muraille en pierre, dans laquelle s'ouvraient des portes monumentales : trois d'entre elles s'offrent encore à notre admiration. Les monuments fāṭimides les plus importants ont également subsisté, telles[...]
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Écrit par
- Gaston WIET : membre de l'Institut, professeur honoraire au Collège de France
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