FĀṬIMIDES
Une vie politique troublée
Une éclipse de cette tolérance envers la communauté chrétienne coïncide avec le règne du calife al-Ḥākim (996-1021) ; fanatique, celui-ci fit démolir l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Il se déclara dieu, et les auteurs musulmans rapportent que « tous les rêves que lui suggérait sa folie n'étaient susceptibles d'aucune interprétation raisonnable ». Les Druzes reconnaissent encore aujourd'hui sa divinité.
Ainsi, le calife al-Ḥākim avait gravement compromis d'heureuses perspectives. Une crise économique sans précédent s'abattit sur le pays pendant le règne d'al-Mustanṣir (1036-1094), le plus long de l'histoire du monde musulman. En outre, des luttes sanglantes entre les corps de la milice ébranlèrent le régime. La défense du pays avait été assurée par des mercenaires, successivement des Berbères, des Noirs, des Turcs, des Arméniens. À la cour, des rivalités mettaient aux prises les califes et leurs Premiers ministres, le pouvoir étant exercé tantôt par les uns, tantôt par les autres. Un tout-puissant vizir, Badr al-Djamālī, inaugurant la période arménienne des Fāṭimides, remit de l'ordre dans l'empire ; on lui doit, outre les remparts de la capitale, une refonte des divisions administratives du pays. Pourtant le régime, miné par les complots des militaires et les jalousies des ministres, ne parvint pas à se redresser.
Les auteurs arabes ne se lassent pas de décrire le trésor des califes fāṭimides : pierreries d'une valeur inestimable, bijoux d'or et d'argent, innombrables récipients en cristal de roche, boîtes en bois précieux, armes, pièces de céramique, tissus somptueux en lin et en soie, beaucoup d'entre eux brochés d'or, tapis, enfin la plus belle bibliothèque qui existât à cette époque dans le monde musulman.
Les rares objets en cristal de roche parvenus jusqu'à nous, les étoffes, quelques animaux en bronze nous permettent d'imaginer l'opulence de ces fastueux souverains. On admire à juste titre les frises de bois provenant du palais royal du Caire, sur lesquelles sont sculptées des figures d'animaux, de personnages, isolés ou groupés en des scènes de musique, de danse, de beuverie ou de chasse. Les Fāṭimides ont été les inspirateurs d'un art qui, tout en suivant les vieilles traditions, créa des formes originales de décoration.
Le dernier acte politique se déroula dans le calme. Le prince zenguide d'Alep, Nūr al-Dīn, fut amené à intervenir en Égypte et à y envoyer un contingent. Un jeune officier, Salāḥ al-Dīn (Saladin), se risqua, un vendredi, à faire prononcer la harangue religieuse au nom du calife de Bagdad. Les écrivains arabes citent à cette occasion un vieux proverbe arabe : « Ce n'est pas pour cela que deux chèvres se battirent à coups de cornes. » Tel est l'acte de naissance de la dynastie ayyūbide.
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Écrit par
- Gaston WIET : membre de l'Institut, professeur honoraire au Collège de France
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