FAUNUS & DIVINITÉS RUSTIQUES
Le domaine de Faunus, divinité romaine, inquiétante et complexe, est proprement rural : champs, prés, forêts, par opposition à tout ce qui est urbain. Son pouvoir est à la fois nécessaire et redoutable pour l'homme ; son aire d'action englobe tout un secteur indispensable à la survie de la société humaine : terres cultivées, pâturages pour les troupeaux, exploitations forestières..., et on a besoin de lui pour susciter la fécondité du sol et des bêtes ; mais, en même temps, on redoute ses agressions toujours imprévisibles, contre les femmes en particulier, et ses humeurs fantasques. Il rend ses oracles la nuit, au fond des bois ; le consultant, étendu sur la peau d'une brebis sacrifiée, est en proie à des visions terrifiantes pendant son sommeil divinatoire. Il préside enfin à la fête des lupercales, étrange manifestation de sauvagerie primitive. En bref, il représente le nécessaire concours de la nature dans ses forces les plus incontrôlées à l'élaboration de la culture, avec tout ce que cela suppose de risques et d'imprévus. Aussi bien, les poètes forment-ils volontiers, à partir de son nom propre, le nom commun fauni, qu'ils appliquent aux populations non encore civilisées (par exemple dans l'Énéide, liv. VIII, v. 314).
Il est ordinairement associé à Silvanus, dont le nom indique assez clairement qu'il veille aux forêts exploitables par l'homme. Mais, avec sa tête chenue et son jeune cyprès à la main, Silvanus n'a rien d'effrayant ; aussi, au cours de l'histoire de Rome, devient-il de plus en plus le protecteur de la vie agricole. Il représente en quelque sorte l'aspect utile et positif de Faunus, ce dernier ne gardant que ses attributions sauvages et redoutables.
L'effort religieux pour capter au bénéfice de l'homme les puissances de fécondité de la nature sauvage s'est traduit à Rome par le culte d'une série de divinités mineures, présidant chacune à un stade précis du développement des plantes cultivées. Parmi ces divinités, Flora devait connaître une fortune plus brillante que les autres : à partir de ~ 238, des jeux annuels furent célébrés en son honneur du 28 avril au 3 mai. Cette importance accordée à l'étape de la floraison par rapport aux autres moments de la croissance végétale s'explique peut-être par l'extension de l'arboriculture et particulièrement de la culture de l'olivier en Italie à la fin du ~ iiie siècle. La formation de la fleur fut perçue, dès lors, comme un moment décisif pour la récolte des fruits, exigeant donc une protection divine toute spéciale assurée par un culte propre. On affirmait que les jeux en l'honneur de Flora avaient été institués à la suite d'une grave disette.
L'évolution du système des divinités rustiques de Rome manifeste un souci croissant de différencier le domaine de la libre nature, agissant à sa guise et pour son seul compte, et le domaine de la nature soumise aux besoins de l'homme, l'état de la non-culture et l'état de la culture. La déesse Feronia avait pour mission de veiller au passage d'un état à l'autre : son sanctuaire était toujours situé dans un bois (domaine de la libre nature), mais à proximité immédiate d'une ville (domaine de la culture). Aussi présidait-elle au passage de la servitude à la liberté : dans son temple, les affranchis venaient coiffer le pileus, coiffure insigne de leur condition.
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Écrit par
- Jean-Paul BRISSON : professeur à l'université de Paris-X
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Média
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