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FAUVISME

Les frontières du fauvisme

Les sources du fauvisme

L'accord est loin d'être fait sur les sources proches ou lointaines du fauvisme. La plupart des fauves ont laissé entendre – l'exemple de Van Gogh, trop évident pour être nié, étant excepté – qu'ils s'étaient formés à peu près seuls. Certes, le fauvisme est d'abord la libre expression d'un tempérament et une influence n'est subie qu'autant qu'on y est prêt. Il n'en reste pas moins que les fauves en ont subi de nombreuses.

La source la plus avouée, mais un peu minimisée par la suite, fut Van Gogh, et on a souvent évoqué, Vlaminck le premier, la révélation que fut pour ce groupe l'exposition Van Gogh chez Bernheim-Jeune, en 1901. À partir de 1901, les fauves eurent plusieurs occasions de voir des toiles de Van Gogh, la plus importante étant certainement la vaste présentation organisée au Salon des indépendants de 1905. Or, comme l'œuvre de Derain et de Vlaminck, de 1901 à 1904, est difficile à saisir et que l'influence de Van Gogh y est surtout perceptible à partir de 1905, on peut se demander si leurs souvenirs n'ont pas été quelque peu antidatés. Quoi qu'il en soit, les deux amis de Chatou et tous les fauves lui sont redevables de l'emploi d'une couleur arbitraire, posée avec violence.

Tous les peintres indépendants du xixe siècle, tous ceux qui ont contribué à rendre à la couleur son pouvoir expressif ont frayé la voie au fauvisme : ainsi en est-il de Delacroix, de Turner, de Manet, de Redon, de Monet, de Cézanne, tant admiré par Matisse et par Rouault et à qui le jeune Camoin rendit visite à Aix, de Gauguin qui était devenu dans les ateliers parisiens une figure de légende.

Aux noms déjà cités on pourrait ajouter ceux de Monticelli, de Carrand, de Diaz, de Ziem, d'E. Munch dont on avait pu entrevoir les œuvres à Paris, d'Ensor et de Picasso pour ses premières œuvres.

Mais, sauf pour Munch, précurseur immédiat du fauvisme, il s'agit davantage d'une amorce, d'une préparation du fauvisme que d'une source directe. Il n'en est pas de même pour l'impressionnisme finissant, pour le néo-impressionnisme et pour G. Moreau, trois sources directes, habituellement négligées ou contestées :

L'impressionnisme : il existe quelques œuvres anciennes de Renoir et de Monet devant lesquelles on pense au fauvisme ; mais surtout (est-ce coïncidence ou convergence de recherches ?) vers 1898-1900, c'est-à-dire au moment où la manière de Matisse, de Marquet, de Derain commence à se préciser, Monet, Renoir, Guillaumin peignent et exposent des tableaux où la couleur se fait plus haute, irréaliste, arbitraire.

Quant au néo-impressionnisme, il semble qu'on ait longtemps négligé son influence sur les fauves. Matisse, comme tous les peintres de sa génération, a été un lecteur attentif du petit livre de Signac, D'Eugène Delacroix au néo-impressionnisme(1899). C'est Signac qui patronne le groupe au Salon des indépendants. On a vu comment la présence de Signac et de Cross sur la Côte d'Azur contribua à y attirer Matisse pendant l'été de 1904. Cross échangea un tableau avec Matisse et, maintenant que l'œuvre de Cross est mieux connue, il est impossible de ne pas voir en elle une des sources les plus sûres non seulement de la couleur fauve, mais aussi de ce sentiment vitaliste, de cet ensoleillement qui est un des caractères les plus nets du fauvisme.

En ce qui concerne G.  Moreau, plusieurs historiens – et C. Chassé principalement – ont voulu contester son rôle. Le passage d'une grande partie des peintres fauves dans son atelier et le bénéfice de son enseignement intelligent et libéral ne suffisent certes pas à expliquer son influence ; mais, comme elle se retrouve même chez ceux qui n'ont pas été ses élèves, chez Derain par exemple, il est difficile[...]

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Écrit par

  • : conservateur du musée de l'Orangerie, chargé du palais de Tōkyō

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Média

Mouvement artistique die Brücke - crédits : AKG-images

Mouvement artistique die Brücke

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