FÉBRONIANISME
Stimulé par le richérisme et le jansénisme, apparenté en un certain sens au gallicanisme et au joséphisme, le fébronianisme se développa dans l'Église catholique des pays germaniques à la suite de la publication, en 1763, d'un traité intitulé De statu Ecclesiae et legitima potestate Romani pontificis, liber singularis ad reuniendos dissidentes in religione christianos compositus. L'auteur, qui prit le pseudonyme inexpliqué de Justinus Febronius, en était Johann Nikolaus von Hontheim (1701-1790), évêque-coadjuteur de Trèves. Noble d'origine luxembourgeoise, il avait suivi de 1719 à 1724, à Louvain, les cours du canoniste Zeger Bernard van Espen (1646-1728), qui avait été amené à se démettre de sa charge à la suite de la bulle Unigenitus et dont l'ouvrage Jus ecclesiasticum universum (1700) était la bible des épiscopaliens. Publié avec l'appui des évêques de Trèves, de Cologne et de Mayence, l'ouvrage de N. von Hontheim rencontra aussitôt l'opposition de Rome et fut mis à l'Index dès 1764. Il eut cependant un rapide succès jusque dans les pays latins, où l'on en vit paraître des traductions française, espagnole, portugaise et italienne. Personnage cultivé mais incertain, esprit plus brillant que profond, l'auteur en vint à s'abriter derrière ses collaborateurs puis à désavouer son traité et, finalement, à se rétracter en 1778, ce dont il se justifia en un livre ambigu Justini Febronii commentarius in suam retractationem (1781).
Le De statu Ecclesiae incitait les évêques à accroître leurs compétences dans la vie publique et ecclésiastique de leurs pays respectifs, à exiger d'être associés aux décisions pontificales et à défendre les pouvoirs du concile général. Les principes épiscopaliens de cette œuvre et du mouvement qu'il déclencha s'expliquent en partie par la situation des évêques des pays germaniques, qui se trouvaient plus directement soumis à Rome que les prélats d'Espagne ou de France, protégés contre la curie par le régalisme ou le gallicanisme de leurs souverains respectifs. Dès 1673, les évêques rhénans avaient marqué leur opposition à la politique centralisatrice de Rome par leur déclaration intitulée Gravamina. Néanmoins, les thèses de Justinus Febronius ne se contentent pas de défendre les privilèges épiscopaux au nom d'un conservatisme féodal, mais soulignent, sous l'influence des écoles de Louvain et de Leyde, l'existence de droits revenant par nature aux Églises nationales. Aussi le fébronianisme apparaît-il comme un mouvement moderne et démocratique, analogue à celui du despotisme éclairé. Par comparaison avec le concile tenu, précisément en 1763, par les vieux-catholiques à Utrecht, il prône le retour à la constitution ecclésiale du Ier siècle qui faisait de l'évêque de Rome le chef de l'Église, mais sans pouvoir direct en dehors de son propre diocèse. En défendant la thèse d'une Église exerçant collectivement le suprême pouvoir doctrinal et disciplinaire, Febronius se situe dans la ligne démocratique du richérisme. Cet épiscopalisme absolu confère à tous les évêques les mêmes compétences, non seulement pour le pouvoir d'ordre, mais aussi pour le pouvoir de juridiction ; il conduit, par là, à un conciliarisme absolu, en ce sens qu'on peut faire appel de toute sentence papale au concile œcuménique.
Bien que l'œuvre de Febronius eût connu, pendant une brève période, un grand retentissement, elle ne parvint pas à ébranler les princes temporels, pas même Joseph II, auxquels son épiscopalisme et son conciliarisme la portaient logiquement à faire appel. Elle n'eut pas non plus, contrairement à ce qu'on a allégué souvent, une influence directe sur la suppression des Jésuites, qui intervint dix ans après la parution. Peut-être, toutefois, ne fut-elle pas étrangère à[...]
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Écrit par
- Bernard ROUSSEL : professeur à la faculté protestante de théologie de Strasbourg
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