FEBVRE LUCIEN (1878-1956)
Un entrepreneur culturel
Après la Revue de synthèse et les Annales, le troisième engagement essentiel de Lucien Febvre est aujourd’hui largement sous-estimé. En 1932, Anatole de Monzie, ministre de l’Éducation nationale, lui confie la direction de l’Encyclopédie française dont il fera son « entreprise », au point d’y sacrifier la direction des Annales et la conduite de son œuvre personnelle.
Lucien Febvre ne pouvait renoncer à entreprendre à une échelle bien plus large un programme qu’il portait ainsi au niveau de l’ensemble des sciences et des connaissances, s’efforçant d’imprimer sa marque à une œuvre qu’il conçoit d’emblée comme une problématisation du monde contemporain, bousculant les classifications et les frontières des connaissances, ainsi que les schèmes et découpages habituels. Dans les nombreux avant-propos, postfaces et articles qu’il y publie, il propose une perspective large et riche sur les bouleversements scientifiques, intellectuels et artistiques du monde moderne.
Après la Seconde Guerre mondiale, avec la création en 1947 de la sixième section de l’École pratique des hautes études, dont il devient le premier président, s’entourant de nouveaux collaborateurs comme Fernand Braudel ou Charles Morazé, Lucien Febvre obtient une dernière opportunité de prolonger institutionnellement le programme scientifique interdisciplinaire pour lequel il avait œuvré pendant près d’un demi-siècle. Concrétisant ainsi son plaidoyer répété pour le développement de structures collectives de la recherche, la transformation de l’institution menée par Fernand Braudel, qui deviendra en 1975 l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), confirmera durablement le rôle central de l’histoire au sein des sciences sociales.
Multipliant cours et conférences en Europe et en Amérique latine, Lucien Febvre occupe activement sa retraite en collaborant également aux travaux de l’UNESCO pour l’élaboration d’une collection d’ouvrages sur l’histoire de l’humanité et en dirigeant les Cahiers d’histoire mondiale.
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Écrit par
- Bertrand MÜLLER : directeur de recherche au CNRS
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