Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GARCÍA LORCA FEDERICO (1898-1936)

Solitaire, solidaire

Dans ces conditions, engagement esthétique, critique sociale et attitude politique s'avèrent intimement liés, et, en toute logique, le destin du poète est celui de son peuple. Federico García Lorca l'a toujours éprouvé ainsi. La faim des autres lui a toujours coupé la parole. Il eût donné, dit-il, le jardin romantique de son adolescence pour en faire un potager. Sa dernière œuvre, dont le début subsiste, semble avoir tourné court et le monde même lui a semblé soudain « arrêté devant la faim qui désole les peuples ». Dans les années qui précèdent la guerre civile espagnole et la Seconde Guerre mondiale, il a fixé pour tâche à l'artiste et aux autres « intellectuels des classes qu'on appelle aisées », de « plonger dans la glaise jusqu'à la ceinture pour aider ceux qui cherchent les lys ».

La nécessité de communiquer, raison déterminante de sa carrière poétique et dramatique, rejoint ici une volonté consciente de jouer son rôle, unique et impossible à éluder, dans cette création continuée qui fait le patrimoine vivant de son peuple. La « chaîne de solidarité spirituelle » où il se situe comme artiste lie nécessairement le sort posthume de son œuvre au sort des hommes parmi lesquels elle est née et pour qui elle a été écrite : au destin du peuple espagnol en premier lieu, mais aussi au destin mouvant de la communauté humaine.

Par-delà son attachement à la tradition nationale, à laquelle répond son adhésion à l'art le plus moderne de son siècle, l'indépendance esthétique de Lorca est la première clé de sa grandeur et de son succès durable. Par-delà l'engagement poétique et humain dont il est mort, sa liberté personnelle et son sang-froid dans les fluctuations de l'histoire, sa fidélité toujours éveillée à l'irremplaçable nouveauté du présent font la valeur la plus permanente de son message.

— Marie LAFFRANQUE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

Federico García Lorca - crédits : Prismatic Pictures/ Bridgeman Images

Federico García Lorca

Autres références

  • ESPAGNE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par , et
    • 13 749 mots
    • 4 médias
    ...Guillén, scrupuleux, difficile, passionnément épris de pureté, avide de manifester l'évidence de l'univers, sa présence, son présent ; Federico García Lorca, dont l'exécution à Grenade, sa patrie, par les troupes franquistes, fera une figure symbolique de l'éternelle condition tragique...
  • JIMÉNEZ JUAN RAMÓN (1881-1958)

    • Écrit par
    • 1 636 mots
    • 1 média

    À un journaliste qui lui demandait quels étaient ses poètes préférés de l'actualité espagnole, Federico García Lorca répondit : « Il y a deux maîtres : Antonio Machado et Juan Ramón Jiménez. » C'était en 1936. Pour caractériser le second, dans une de ces reparties fulgurantes dont...

  • NERUDA PABLO (1904-1973)

    • Écrit par et
    • 3 615 mots
    • 2 médias

    Auprès de Gabriela Mistral, de César Vallejo, de Nicolas Guillén, le Chilien Pablo Neruda représente une des voix les plus prestigieuses de la poésie contemporaine d'Amérique latine. Dans Le Chant général, son chef-d'œuvre, il a su, dépassant le cadre étroit de son pays, devenir le chantre...

  • POÈTE À NEW YORK, Federico García Lorca - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 784 mots
    • 1 média

    Poète à New York fut écrit par Federico García Lorca (1898-1936), dans la ville de New York en 1929-1930. Certaines des pièces rassemblées sous ce titre, dans une édition posthume, étaient peut-être destinées à un autre recueil, intitulé Tierra y luna. García Lorca venait alors de traverser...