FELA FELA RANSOME-KUTI, dit (1938-1997)
Le parcours du Nigérian Fela, tout à la fois, chanteur, saxophoniste, pianiste, militant du panafricanisme, adversaire inlassable des régimes militaires et provocateur de tous les instants, est contenu dans son histoire familiale. Fela Ransome-Kuti est né le 15 octobre 1938 à Abeokuta, capitale de l'État d'Ogun, dans un milieu egba (composante de la grande tribu des Yoruba) ; sa famille a toujours été au centre de la vie politique nigériane. Son grand-père, prêtre anglican et musicien, appelé « le Pasteur chantant », avait hérité d'un pasteur britannique le nom de Ransome, que Fela rejeta dans une affirmation de son africanité. La sévérité de son père, le révérend Ransome-Kuti, introducteur du scoutisme au Nigeria et qui n'hésitait pas à recourir à la bastonnade pour punir la moindre désobéissance, fit naître chez Fela une opposition irréductible à toute autorité. En revanche, sa mère, Olufunmilayo, militante féministe et fondatrice d'un club de femmes dans les années 1940, exerça sur lui une forte influence.
D'abord chanteur des Cool Cats de Lagos, il fonde son premier groupe musical, le Koola Lobitos alors qu'il est étudiant au Trinity College of Music de Londres, en 1961. C'est là qu'il découvre des musiciens de jazz comme Miles Davis. De retour au Nigeria deux ans plus tard, il intègre à sa musique les influences ghanéenne et nigériane. Il annonce dans une conférence de presse (1968) qu'il vient de créer une nouvelle musique à laquelle il donne le nom d'afrobeat, en accord avec la grande idée panafricaine qui traverse l'Afrique à cette époque. Au cours d'une grande tournée en Californie (1968-1969), il fait son entrée en politique après la lecture de The Autobiography of Malcolm X que lui a donnée Sandra Taylor, membre des Blacks Panthers. De retour à Lagos en 1971, il change le nom de son groupe en Africa 70, et transforme sa concession (en Afrique, la maison et la cour entourées d'une palissade) en une république de Kalakuta où il ouvre un night-club, The Shrine (le Sanctuaire). Installé en plein quartier populaire, il mesure les effets de la corruption sur la vie quotidienne des Nigérians et commence à dénoncer les classes dirigeantes et les régimes militaires qui les soutiennent. Après la première mise à sac de sa « république » par l'armée (1974), un millier de soldats interviennent de nouveau et y mettent le feu (1977). Sa mère, défenestrée, meurt et lui-même est sérieusement blessé. Au cours d'un bref intermède démocratique (1979), il fonde un parti politique, le Mouvement du peuple. Après une tournée en Égypte, son groupe revient avec un nouveau nom, Egypt 80. De retour au pouvoir, les militaires le jettent en prison, le privant de son saxophone (1984-1986). Libéré, Fela ne cesse de dénoncer et de provoquer le pouvoir sans partage des militaires, qui le lui rendent bien, lui faisant aussi payer la tentative de coup d'État de son frère contre le général Sani Abacha en 1995.
Grand amateur de marijuana, ne croyant pas à la réalité du sida, la maladie qui devait l'emporter (« des histoires de Blancs »), il avait refusé de s'exiler, contrairement à l'écrivain Wole Soyinka, son cousin. En 1978, voulant renouer avec les coutumes yoruba, il avait épousé les vingt-sept danseuses de son groupe. Et c'est pour renouer avec les mêmes traditions qu'il a été inhumé, le 11août 1997, dans sa concession, en plein quartier défavorisé d'Ikeja, à Lagos.
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Écrit par
- Bernard NANTET : journaliste spécialisé sur l'Afrique
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Autres références
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WORLD MUSIC ET MUSIQUES DU MONDE
- Écrit par Eugène LLEDO
- 900 mots
- 2 médias
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