FELDSPATHS
Transformations et équilibres en fonction de la température
La fusion à sec des feldspaths a été étudiée dès 1913 par N. L. Bowen, qui a établi les courbes d'équilibre concernant les plagioclases. Le diagramme de la figure montre que les feldspaths calciques sont beaucoup plus réfractaires que les feldspaths sodiques, et que la cristallisation progressive d'un mélange plagioclasique peut entraîner une zonation analogue à celle qui est observée le plus souvent, c'est-à-dire un noyau basique et une enveloppe de plus en plus acide. En ce qui concerne les feldspaths alcalins, il existe un composé à point de fusion minimal (fig. 6) de composition Or70Ab30, alors que l'orthose subit une fusion incongruente, en se transformant d'abord en un feldspathoïde, la leucite. En présence d'eau sous pression, les points de fusion s'abaissent considérablement, sans que varie sensiblement la composition de l'eutectique, et le champ de stabilité de la leucite diminue rapidement. Les feldspaths formés restent homogènes au refroidissement pour des compositions extrêmes, mais, aux alentours de 600-700 0C, les termes intermédiaires subissent une démixtion, qui est à l'origine de la plupart des perthites.
Les transformations ordre-désordre dépendent elles aussi de la température : par chauffage prolongé vers 1 100 0C, on transforme des microclines ordonnés en sanidines, des albites B.T. en albites H.T. La transformation inverse n'a pas encore été obtenue ; la synthèse des microclines peut cependant se faire par échange d'ions entre une albite et un sel de potassium fondu, attestant ainsi le caractère ionique des liaisons Na—O ou K—O.
Si l'on note qu'il est possible, à très haute température, de transformer l'albite en une variété monoclinique nommée monalbite, on peut interpréter par des considérations de désordre et de symétrie les solubilités relatives des feldspaths alcalins aux diverses températures :
– à très haute température, on constate une solubilité totale entre la monalbite et la sanidine ;
– à haute température, la sanidine accepte dans son réseau jusqu'à 60 p. 100 d'albite H.T. sans perdre sa symétrie ; au-delà de cette valeur, on a affaire à des anorthoses tricliniques ;
– à température moyenne, il existe une lacune de miscibilité entre les orthoses et les albites qui s'étend à peu près de Or30 à Or70 ;
– à basse température, il n'y a presque aucune substitution possible dans les microclines ni dans les albites, ce qui explique la très grande pureté qui caractérise souvent ces minéraux, surtout dans des conditions hydrothermales ou « authigènes ».
Dans le cas des plagioclases, les phénomènes sont un peu plus compliqués et donnent encore lieu à des discussions : en tout état de cause, on observe une solubilité complète à haute température, alors qu'à basse température apparaît un hiatus correspondant aux péristérites ; en même temps, la solubilité du potassium dans les plagioclases diminue très sensiblement.
Le coefficient de partage du sodium entre un feldspath alcalin et un plagioclase a été à l'origine d'un des premiers exemples de thermométrie géologique. Le diagramme de Barth (fig. 7), établi à partir de considérations pétrographiques et théoriques, a été précisé par des études expérimentales, et donne des informations précieuses sur les températures de cristallisation des roches éruptives. Des recherches se poursuivent pour utiliser aussi les données concernant la répartition des éléments traces (Ba, Sr, Cs, Rb) entre feldspaths coexistants. On peut préciser également l'influence éventuelle des températures inférieures en étudiant la séparation des phases dans les perthites ou antiperthites, la démixtion des péristérites, ainsi que l'évolution du triclinisme dans les feldspaths potassiques.[...]
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Écrit par
- Jean-Paul CARRON : professeur de géologie à l'université de Bretagne-Occidentale, Brest
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