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LITVINNE FELIA (1860-1936)

C'est à Saint-Pétersbourg que naquit Françoise-Jeanne Vasil'yevna Schütz, dite Felia Litvinne, soprano russe d'ascendance allemande et canadienne, naturalisée française. Elle fut élevée en Italie et à Paris avec sa sœur Hélène, qui devait épouser l'illustre basse franco-polonaise Édouard De Reszké. Une telle alliance valait de l'or en toute cette fin de siècle où Paris dictait sa loi au monde lyrique, et où les frères De Reszké étaient les idoles du monde entier. Pourtant Felia n'en avait pas eu besoin pour engager toute seule une carrière éblouissante.

Victor Maurel la fit débuter aux Italiens en 1882, dans le rôle de Maria/Amelia Boccanegra. Elle fera ses débuts à l'Opéra de Paris dans l'emploi vocal le plus glorieux de cette époque, Valentine des Huguenots (1890) ; et la Scala la verra, auprès de Calvé, en Gertrude de Hamlet. De toute évidence, la voix était encore plus remarquable par la qualité et le rayonnement (« une flamme », affirmait Germaine Lubin qui fut son élève et l'avait entendue, déjà quinquagénaire et devenue énorme, dans Alceste) que par le volume. C'est pourtant dans Wagner qu'elle devint une légende : non point à Bayreuth — elle suivait les De Reszké dans leur décision de ne pas se plier aux ukases de Cosima — ni à New York, où Lilli Lehmann puis Lillian Nordica régnaient sur ses rôles, mais à Paris même. Du temps de sa liaison avec Alfred Cortot (qui avait été répétiteur à Bayreuth), il monta pour elle au Château-d'Eau, avant même l'Opéra, en première parisienne, Tristan et Le Crépuscule des dieux. On raillait les proportions imposantes de Litvinne — le facétieux Willy l'avait surnommée « la tour de mamelles ». Actrice gracieuse, sans plus, mais voix d'une générosité inépuisable, elle devait briller à nouveau dans le répertoire italien, et même vériste (La Gioconda à Monte-Carlo, notamment), mais ce sont les chefs-d'œuvre sculpturaux du classicisme français, c'est Iphigénie et surtout Alceste qui ont pu retrouver faveur grâce à Litvinne, son timbre, sa flamme, sa ligne de chant. Elle est morte à Paris en 1936, appauvrie, toujours idéaliste. Il existe d'elle une autobiographie, Ma vie et mon art, franchement naïve. Ses disques, rarissimes, médiocrement enregistrés, ne donnent qu'une idée affadie du charme ardent de sa voix.

— André TUBEUF

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure

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