QUINTO FELICE (1929-2010)
L'homme dont l'œuvre et la personnalité sont à l'origine du mythe « paparazzi » est né en 1929 à Milan. À l'âge où l'on choisit un métier, Felice Quinto n'envisage pas de reprendre le magasin d'appareils photographiques tenu par son père et s'oriente vers des études de mécanique. Le jeune homme, pourtant, renoncera à l'univers des garages pour tenter de gagner sa vie au moyen de la photographie avec laquelle, mieux qu'une école, le commerce paternel a su le familiariser. Après quelques publications de scènes de rue dans la presse, Felice Quinto s'installe en 1955 à Rome. Il entreprend de photographier les célébrités du monde du spectacle d'une manière radicalement différente de celle des portraitistes, auteurs et détenteurs exclusifs de l'image des vedettes. Aux séances en studio ou en décor préparé, Quinto oppose un comportement délibérément agressif de voleur d'images, révélant l'intimité relative de stars surprises dans l'environnement de la via Veneto dont il fait son terrain de chasse privilégié. Les tabloïds et les pages mondaines des magazines internationaux se montrent friands de ces photographies d'acteurs et d'actrices figés par l'éclair d'un flash. Très vite, l'audace de Felice Quinto qui cultive et provoque le scandale s'apparente aux démarches photographiques d'un Erich Salomon dans le monde politique ou d'un Weegee dans celui du crime. La presse, les stars et leur public finissent par reconnaître en Quinto une personnalité à laquelle Federico Fellini ne devait pas rester indifférent. Pourtant, malgré l'amitié qui lie les deux hommes, Felice Quinto déclinera en 1959 l'offre du cinéaste de tenir son propre rôle dans La Dolce Vita, au prétexte que le tournage interromprait son activité de photographe, autrement lucrative qu'un cachet d'acteur de complément. Quinto confiera plus tard qu'il craignait que son apparition à l'écran ne l'expose au point de compromettre la discrétion si nécessaire à son métier. Le rôle du photographe mondain, baptisé dans le film du nom de Paparazzo, né de la contraction de « pappatacio » (moustique) et de « ragazzo » (garçon), fut donc confié au comédien Walter Santesso. Felice Quinto, qui accepta par amitié un rôle de figurant, reste néanmoins l'archétype fondateur des paparazzi pourvoyeurs de la presse à scandale, bien souvent impliqués dans un monde dont ils violent l'intimité et façonnent l'image. Au volant de son Alfa Romeo, chevauchant sa Moto Guzzi, impeccablement vêtu ou déguisé, Felice Quinto se trouve parfois dans le champ des objectifs des confrères qui l'ont suivi en nombre. Une photographie le montre avec son appareil Rolleiflex face à l'actrice Anita Ekberg sortant à l'aube de sa résidence romaine, en robe et sans chaussures, armée d'un arc de compétition, juste avant qu'elle le blesse à la main d'un tir de flèche. Les relations de Quinto avec les vedettes ne seront pas toutes aussi violentes. La photographie de Richard Burton étreignant Elizabeth Taylor qui révèle en 1962 la liaison amoureuse des deux acteurs américains conduira la future interprète de Cléopâtre à faire pour un temps de Quinto son photographe officiel.
En 1963, l'année de son mariage avec l'institutrice Geraldine Del Giorno, Felice Quinto décide de poursuivre sa carrière aux États-Unis, pour travailler avec l'agence Associated Press. Si elle couvre toujours la chronique des stars auxquelles le photographe se mêle facilement sans plus recourir aux stratagèmes de sa période romaine, la production de Felice Quinto se diversifie en couvrant des sujets plus généraux comme les obsèques du président John F. Kennedy, ou des manifestations de rues comme les marches pour les droits civiques menées par Martin Luther King.[...]
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Écrit par
- Hervé LE GOFF : professeur d'histoire de la photographie, critique
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