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POUCHET FÉLIX-ARCHIMÈDE (1800-1872)

Le naturaliste et savant Félix-Archimède Pouchet mérite mieux que sa réputation d'avoir défendu contre Pasteur la théorie de la génération spontanée des êtres vivants à partir de la matière inorganique.

Fils de Luis Ezechias Pouchet, révolutionnaire militant et réformateur local des prisons en y introduisant le travail, Félix-Archimède Pouchet est orphelin à l’âge de quinze ans. Il reçoit une formation éclectique à Rouen, dans laquelle l’intérêt pour la botanique domine. En 1822, il rejoint l’école de médecine de Rouen dirigée par Achille Flaubert, père de l’écrivain. Officier de santé en 1825, Pouchet poursuit ses études de médecine à Paris auprès de Broussais et de Laennec, et suit les cours du Muséum d'histoire naturelle, se constituant ainsi une double formation de médecin et de naturaliste. C'est à ce dernier titre qu'il est nommé directeur du muséum d'Histoire naturelle de Rouen en 1828, poste qu’il occupera jusqu’à la fin de sa vie.

Pouchet sera à la fois enseignant – Gustave Flaubert garde un très vif souvenir de son professeur d’histoire naturelle, lequel semble avoir inspiré quelques traits du personnage de Pécuchet dans Bouvard et Pécuchet (1881) –, scientifique et vulgarisateur de talent. Il fait construire au muséum un laboratoire et y poursuit divers travaux sur les plantes de la famille des solanées et surtout sur la reproduction des animaux. Il démontre que les spermatozoïdes parviennent au tiers inférieur des cornes utérines chez la lapine, il décrit l'ovulation spontanée en l'absence de copulation et observe les premières divisions de l'œuf fécondé. Dans la même logique, Pouchet s'intéresse à déterminer le moment de l'ovulation chez la femme. S'il se trompe en concluant que l'ovulation a lieu au moment des règles, sa description de l'évolution des cellules vaginales au cours du cycle menstruel et celle de la glaire cervicale sont en revanche exactes et font de lui l'inventeur du frottis vaginal, actuellement surtout utilisé pour repérer des cellules cancéreuses – mais il y a peu encore utilisé pour vérifier l'état hormonal de la femme. Il semble bien que ce soit vers 1850 que la rigueur scientifique de Pouchet connaisse quelque altération. Il postule par exemple que les spermatozoïdes grandissent et doivent pour cela se nourrir. Il décrit donc leur appareil digestif…

Félix-Archimède Pouchet - crédits : Wellcome Collection ; CC BY 4.0

Félix-Archimède Pouchet

En 1858, son conflit avec Pasteur sur le problème de la génération spontanée débute. La querelle, d'une grande aigreur, se termine en 1865 avec la démonstration par Pasteur qu'en l'état actuel la génération spontanée n'existe pas. La défaite de Pouchet est indéniable, mais la querelle se poursuit. En effet, si Pouchet ne dispose pas d'observations expérimentales fiables pour contrer Pasteur, il fonde son opposition à ce dernier sur une hypothèse claire transformée par lui en affirmation, l’hétérogénie : puisque la Terre était minérale à son origine, il faut bien que la vie soit apparue spontanément à ses débuts aux dépens de molécules minérales. Selon cette théorie, la matière organique inanimée pourrait devenir vivante sous l’influence d’un stimulus comme la lumière ou l’électricité. Pouchet s’inspire visiblement beaucoup de Lamarck et de la « science romantique allemande ». La notion d’hétérogénie va rapidement perdre de son importance après la querelle avec Pasteur, mais son questionnement va persister et d’une certaine manière animer le considérable corpus d’études sur la vie artificielle du début du xxe siècle. Vers la fin de sa vie, Pouchet invente un appareil original, l'aéroscope, destiné à recueillir les poussières de l'air pour les étudier et mesurer leur densité dans l'air, une sorte de préfiguration de la mesure de la pollution atmosphérique.

Il décède à[...]

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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Félix-Archimède Pouchet - crédits : Wellcome Collection ; CC BY 4.0

Félix-Archimède Pouchet

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