GUATTARI FÉLIX (1930-1992)
Né le 30 mars 1930, à Villeneuve-les-Sablons (Oise), Félix Guattari passa son enfance et son adolescence dans une proche banlieue ouvrière de Paris, à La Garenne. Les bouleversements considérables de cette période ont marqué profondément son existence : lui-même faisait très souvent référence à ce qu'il avait baptisé le « complexe de 1936 ». Indirectement touché — vu son jeune âge — par l'éclatement des mouvements de jeunesse et la dispersion des idéaux politiques, en opposition avec son milieu familial relativement aisé, il connut sa première grande rupture émancipatoire avec la rencontre qu'il fit de Fernand Oury, artisan passionné du futur mouvement de Pédagogie institutionnelle. Encouragé par le frère de Fernand, Jean Oury, psychiatre, il s'oriente à partir de 1950 vers la psychiatrie, alors en pleine effervescence. Par son « don » des rencontres, par sa rapidité d'esprit et son insatiable curiosité, il sut intégrer de façon très ouverte de multiples univers — philosophie, ethnologie, linguistique, architecture, etc. — afin de mieux définir l'orientation, la délimitation et l'efficacité de l'acte psychiatrique. Avec Jean Oury, dont il était devenu depuis 1955 le principal collaborateur, il poursuivit cette recherche à la clinique psychiatrique de La Borde à Cour-Cheverny. Lieu de stage pour d'innombrables étudiants, philosophes, psychologues, ethnologues, travailleurs sociaux, La Borde resta pour Félix Guattari le principal ancrage.
Il participa au mouvement du G.T. psy, qui regroupa de nombreux psychiatres au début des années soixante et créa la Société de psychothérapie institutionnelle en novembre 1965. C'est au même moment que Félix Guattari fonda, avec d'autres militants, la F.G.E.R.I. (Fédération des groupes d'études et de recherches institutionnelles) et sa revue Recherches, s'ouvrant sur la philosophie, les mathématiques, la psychanalyse, l'éducation, l'architecture, l'ethnologie, etc.
La F.G.E.R.I. représentait l'aboutissement des multiples engagements politiques et culturels de Félix Guattari : le Groupe jeunes hispano, les Amitiés franco-chinoises (à l'époque des communes populaires), l'opposition active à la guerre d'Algérie, à la guerre du Vietnam, la participation à la M.N.E.F., à l'U.N.E.F., la politique des bureaux d'aide psychologique universitaire (B.A.P.U.), l'organisation des groupes de travail universitaire (G.T.U.), mais également les réorganisations des stages des centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active (C.E.M.E.A.) pour infirmiers psychiatriques, ainsi que la formation d'Amicales d'infirmiers (en 1958), les études sur l'architecture et les projets de construction d'un hôpital de jour pour « étudiants et jeunes travailleurs ». Très influencé par le travail de Lacan — dont il fut l'analysant jusqu'en 1960 —, il prit cependant quelques distances vis-à-vis de l'élaboration théorique de celui-ci. Il fut l'un des acteurs des événements de mai 1968, à partir du Mouvement du 22 mars. Engagé existentiellement et éthiquement dans cette remise en question des valeurs fondamentales, c'est alors qu'il rencontra Gilles Deleuze à l'université de Vincennes — deuxième grande rencontre.
Dans son dernier livre, Chaosmose (1992), dont le thème est déjà partiellement développé dans Qu'est-ce que la philosophie ? (1991, avec G. Deleuze), Félix Guattari reprend son thème essentiel : la question de la subjectivité. « Comment la produire, la capter, l'enrichir, la réinventer en permanence de façon à la rendre compatible avec des Univers de valeur mutants ? Comment travailler à sa libération, c'est-à-dire à sa re-singularisation ? [...] Toutes les disciplines auront à conjoindre leur créativité pour conjurer[...]
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Écrit par
- Yannick OURY-PULLIERO : maîtrise de philosophie, psychanalyste
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