HOUPHOUËT-BOIGNY FÉLIX (1905-1993)
Du militant à l'homme politique
À dix-huit ans, Houphouët-Boigny est admis à l'école normale William-Ponty de Gorée, au Sénégal. C'est à cette occasion qu'il s'éveille au militantisme, en refusant d'embarquer sur le navire pour le Sénégal tant que les étudiants africains sont obligés de voyager sur le pont plutôt qu'en troisième classe. Il en revient, en 1925, major de sa promotion avec le grade de médecin auxiliaire. Il exerce sa profession à l'hôpital d'Abidjan en regroupant le personnel africain en une seule amicale. Nommé directeur de l'hôpital d'Abengourou en 1930, il s'oppose à l'administration coloniale qui lui refuse le logement de son prédécesseur blanc.
La Côte d'Ivoire, « Cendrillon de l'A.-O.F. », s'est agrandie en 1932 des deux tiers du territoire de la Haute-Volta, et une main-d'œuvre bon marché, soumise au recrutement forcé, se déverse sur les plantations européennes. C'est à l'occasion d'un appel à la grève des planteurs africains, pour revaloriser le prix du cacao, qu'Houphouët-Boigny écrit dans le journal L'Avenir, l'organe de la S.F.I.O. locale, un texte intitulé « On nous a trop volés » qui marque ses débuts dans la politique. Ses démêlés avec l'administration coloniale lui valent une absence de promotion. Il se replie alors, en 1938, sur Yamoussoukro pour assumer ses responsabilités à la chefferie et prendre en charge la plantation familiale, l'une des plus grandes du pays.
La contestation de la politique coloniale de mise en valeur du pays uniquement par les colons européens se manifeste à partir de 1943, lorsque l'Afrique-Occidentale française, vichyste de 1940 à 1942, bascule dans le camp gaulliste. Un Syndicat agricole africain (S.A.A.) est créé en 1944. Houphouët-Boigny en prend la tête l'année suivante et, pour son entrée en politique, il adopte le nom de Boigny (« Bélier »). Il engage une campagne pour l'abolition du travail forcé : une loi qui porte son nom sera votée en 1946. Elle satisfait aussi bien les appétits de justice des colonisés que les intérêts des planteurs africains, qui peuvent désormais entrer en concurrence avec les domaines des colons.
En 1945, Houphouët-Boigny fonde le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (P.D.C.I.). Avec les leaders des autres territoires, il créé, lors du congrès de Bamako en octobre 1946, une fédération de partis politiques africains qui prend le nom de Rassemblement démocratique africain (R.D.A.) et qui réunit, notamment, l'Union démocratique sénégalaise, l'Union soudanaise, l'Alliance pour la démocratie et la fédération de Haute-Volta. Les dirigeants sénégalais socialistes Lamine Gueye et Léopold Sédar Senghor boycottent la réunion, trop activiste à leurs yeux, favorisant, de la sorte l'orientation procommuniste du groupement, dont Houphouët-Boigny prend la présidence.
Pour siéger à l'Assemblée nationale française, le R.D.A. est contraint de s'apparenter aux grandes formations politiques existantes et se retrouve sur les bancs communistes. Houphouët-Boigny fréquente alors l'école des cadres du P.C.F. et structure le R.D.A. sur le modèle des partis staliniens. Le mouvement est qualifié de communiste par l'administration coloniale, qui réprime violemment les manifestations populaires organisées sous l'égide du R.D.A. (plusieurs morts à Bouaflé en décembre 1949 et à Dimbokro en janvier 1950) et, le 1er février 1950, finit par interdire le parti.
En 1950, le président du Conseil, René Pleven, confie à François Mitterrand, son ministre de la France d'outre-mer, le soin de « désapparenter » le R.D.A. et de l'accueillir au sein de son petit parti, l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (U.D.S.R.). Après l'accord signé le 6 février 1951, le futur président[...]
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Écrit par
- Bernard NANTET : journaliste spécialisé sur l'Afrique
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